Sors
            non pas du lit douillet
                                                                des étoiles,
dieu de fer,
                           dieu de feu,
non pas dieu Mars,
                                              ni Neptune, ni Vega,
mais dieu de chair –
                                                 homme-dieu !
Non pas échoué en l’air
sur quelque banc stellaire,
terrestre
                       parmi nous
descends,
                        parais !

Non pas celui
                                 « qui êtes aux cieux ».
Nous-mêmes,
aux yeux de tous,
aujourd’hui
                            nous ferons
                                                        des miracles.

En ton nom
pour nous battre,
dans le bruit,
                               dans la fumée,
on se dresse et se cabre.
Nos exploits seront
                                              trois fois plus durs que la divine
création
                    qui fit aux choses don du vide.
Car nous,
                       non contents de faire l’invention
d’un monde neuf,
                                         nous dynamiterons l’ancien.

 

Traduit du russe par Christian David
Extrait d’À pleine voix
© Éditions Gallimard, 2005

Quel fracas, une révolution ! Et qui nécessite une poésie nouvelle. Vladimir Maïakovski ne chante pas, il crie. Les vers courts, en escaliers, dynamitent les phrases pour des images fulgurantes comme la vie urbaine. Poète bohème converti à la cause bolchévique, Vladimir Maïakovski compose 150 000 000 en 1919 et 1920. Un poème de 1 700 vers sans nom d’auteur : cent cinquante millions de Russes s’y expriment. Dans un « championnat / de lutte des classes mondial », Yvan, géant des soviets, y défie le président américain Wilson. Avec pour résultat la victoire du peuple : Wilson est réduit en cendres pour avoir tenté d’écraser le soleil avec son derrière. Ainsi, Maïakovski mêle le lyrisme à la satire grand-guignolesque. Bientôt, il appellera à une Quatrième Internationale, celle de l’esprit. Les ennemis de la révolution sont la bureaucratie, le romantisme petit-bourgeois, le médiocre train-train journalier : le byt. La littérature ne doit pas refléter le monde mais le transformer. Par le saccage du passé – « les tripes des tableaux du Louvre / pendent / à la flèche-baïonnette / de l’Amirauté » – et la création d’un nouveau mythe. Une utopie dangereuse : le paradis sur terre ! Maïkovski composera des scénarios, des pièces, des affiches, des slogans publicitaires et de nombreux poèmes au service de ce rêve. Avant de se suicider à 36 ans. Dans son mot d’adieu figurent les vers suivants : « le canot de l’amour / s’est brisé à la vie quotidienne ». Cela n’empêchera pas Staline d’ordonner des funérailles nationales. 

 

 

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