LES FRANÇAIS ont toujours eu l’art de se diviser en deux camps, dans la réalité ou dans les têtes. Nord et Sud, gauche et droite, Paris et province, matheux et littéraires… Selon les époques, cette passion de la symétrie a pris des formes diverses : royalistes et républicains, dreyfusards et antidreyfusards, instituteurs et curés, pétainistes et gaullistes… C’était parfois violent, mais simple et reposant pour l’esprit. On pouvait parler aux enfants des bons et des méchants, des gendarmes et des voleurs, des cigales et des fourmis. Il a fallu ensuite choisir entre Est et Ouest, Sartre et Camus, essence et diesel, Anquetil et Poulidor, tandis que quelques couples solides témoignaient de l’unité nationale : Lagarde et Michard, Poiret et Serrault, Chaffoteaux et Maury…

La France n’est pas condamnée à penser de manière binaire. À la liberté et à l’égalité, la devise de la République a eu le mérite d’ajouter la fraternité. Un triptyque impeccable, parfaitement symétrique.

Quoi qu’on dise, la nation est bien plus consensuelle qu’il y a encore quarante ans. Mais les frontières se brouillent, et le « oui mais » gagne les esprits. On est de gauche sur certains points, de droite sur d’autres. Serions-nous entrés dans l’ère du « en même temps » ?

Entre ruraux et urbains sont venus se glisser les rurbains. À côté des hétéros et des homos s’affirment des « bi » ou des transgenres. Les bobos sont bourgeois, mais bohèmes. Les Français, qui se partageaient entre mangeurs de viande et végétariens, ont vu apparaître les végétaliens, les végans et les flexitariens.

Adieu la symétrie ! La France n’est plus coupée en deux, mais en quatre, en cinq ou en dix. Elle s’atomise et s’assouplit. C’est mal et c’est bien… en même temps. 

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