Il faut une pandémie pour que soit mise en lumière l’importance de la connaissance scientifique au moment de faire face à l’inconnu. Et ce sont tous les versants de la science qui se trouvent mobilisés, aussi bien les sciences médicales et l’épidémiologie, que les sciences sociales.

Le socle de la recherche française, en termes de prestige comme de publication, repose sur sept grands établissements publics à caractère scientifique et technologique (CNRS, INSERM, etc.), travaillant en étroite collaboration avec les universités via des unités mixtes de recherche. Or ces établissements font face à des difficultés multiples : moyens en berne et difficultés de recrutement croissantes – alors même que la recherche privée bénéficie, notamment via le crédit d’impôt recherche, d’une manne généreuse (dont le coût et l’efficacité relative font régulièrement l’objet de critiques).

La position de chercheur dans un établissement public a perdu de son prestige. En témoigne notamment la baisse du nombre de candidats aux concours pour entrer dans cette profession. Au moindre nombre de candidats s’ajoute le fait que les postes ouverts sont de plus en plus rares. Ces concours sont finalement de plus en plus sélectifs (4,4 % de réussite en 2015, contre 5,4 % en 2008), avec des lauréats cumulant toujours plus de diplômes : un doctorat bien sûr, mais aussi, de plus en plus, un diplôme de grande école. Entre 2008 et 2016, les recrutements dans le cadre des concours externes ont ainsi baissé de 32 % et seuls quatre départs en retraite sur cinq ont pu être remplacés dans la période.

De plus, le métier de chercheur paie notoirement mal. Après le parcours du combattant du recrutement, un chercheur du CNRS gagne 3 500 euros net par mois, primes comprises (2 500 euros en entrée de carrière et 4 700 euros à la fin) – soit 60 % seulement de la rémunération moyenne des cadres de la fonction publique à échelon équivalent, ou encore 63 % des revenus des chercheurs des autres pays de l’OCDE, comme le souligne un rapport sur l’attractivité des emplois et des carrières scientifiques remis en septembre 2019 à la ministre de la Recherche. Ce document, disponible en ligne, n’hésite pas à qualifier d’indécentes et d’indignes les conditions d’emploi dans ce secteur. De fait, le problème de la fuite des cerveaux est réel. Les jeunes partent, pour certains, à l’étranger, où leurs conditions de travail et de rémunération sont meilleures. Pour d’autres, le choix est d’investir des corps plus prestigieux de la fonction publique et de dégager du temps pour faire un peu de recherche.

Pourquoi la nation laisse-t-elle faire ? Proposons une hypothèse contre-intuitive. Partout dans le monde, les traditions universitaires nationales ont pris l’habitude, depuis au moins deux siècles de bien traiter leurs scientifiques parce qu’ils sont des inventeurs, parce qu’ils font des découvertes. C’est une activité incertaine, mais que l’État estime devoir soutenir, car, sans cela, cette activité disparaît. En France, la recherche, entrant entièrement dans le cadre de la fonction publique, n’est pas valorisée pour ce qu’elle produit : ce sont les responsabilités et les charges d’encadrement qui guident les promotions. Ainsi, la reconnaissance sociale et les niveaux de rémunération des présidents d’université sont-ils sans commune mesure avec ceux des chercheurs les plus prestigieux. La recherche peinait jusqu’à peu à faire reconnaître sa vraie valeur, il en sera certainement autrement au sortir de la crise que nous traversons. 

 

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