Quand Herbaud lui avait parlé de moi, il avait aussitôt voulu faire ma connaissance, et maintenant il était très content de pouvoir m’accaparer ; moi, il me semblait à présent que tout le temps que je ne passais pas avec lui était du temps perdu. Pendant les quinze jours que dura l’oral du concours, nous ne nous quittâmes guère que pour dormir. Nous allions à la Sorbonne passer nos épreuves et écouter les leçons de nos camarades. Nous sortions avec les Nizan. Nous prenions des verres au Balzar avec Aron qui faisait son service militaire dans la météorologie, avec Politzer qui était maintenant inscrit au Parti communiste. Le plus souvent nous nous promenions tous les deux seuls. Sur les quais de la Seine, Sartre m’achetait des Pardaillan et des Fantômas qu’il préférait de loin à la Correspondance de Rivière et Fournier ; il m’emmenait le soir voir des films de cow-boys pour lesquels je me passionnais en néophyte car j’étais surtout versée dans le cinéma abstrait et le cinéma d’art. Aux terrasses des cafés, ou en buvant des cocktails au Falstaff pendant des heures, nous causions.

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