L’amitié est la terre dans laquelle Arendt plante ses racines, à une époque de confusion, d’exil et d’horreur. Ses amis sont nombreux. On pourrait presque en faire un diagramme de Venn : il y a d’abord les amis d’Allemagne, souvent des camarades de classe devenus compagnons d’une vie, comme Anne Weil Mendelssohn, de sa ville d’enfance de Königsberg, ou les philosophes Hans Jonas et Alexandre Koyré, connus sur les bancs de l’université. Ensuite, il y a les anciens professeurs et mentors, comme le penseur juif Kurt Blumenfeld et le philosophe Karl Jaspers, avec qui elle correspondra tout au long de sa vie. Enfin, il y a la célèbre « tribu », les amis de New York, rencontrés après avoir fui l’Europe nazie. Certains d’entre eux sont des réfugiés, comme Arendt et son mari Heinrich Blücher. D’autres sont écrivains, artistes, penseurs en tout genre : la romancière Mary McCarthy, les poètes Randall Jarrell, Robert Lowell ou W.H. Auden, l’artiste et scientifique L. Alcopley, et bien d’autres. L’appartement new-yorkais d’Arendt et de Blücher est le théâtre de discussions à bâtons rompus et de débats enflammés. On raconte d’ailleurs que leurs soirées du Nouvel An étaient légendaires ! C’est un groupe remarquable par son audace collective, tant intellectuelle qu’artistique, qui gravite autour d’Arendt. Les membres de la tribu sont tous de nouveaux arrivants en Amérique, des réfugiés, des migrants, des artistes déracinés, pour qui l’amitié est comme un foyer dans l’exil.

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