Qu’est-ce qui vous a attirée vers la pensée d’Hannah Arendt ?

Pour moi, la lecture de Condition de l’homme moderne et des Origines du totalitarisme a été déterminante. Son analyse du totalitarisme, qui nous invite notamment à penser les résidus, les tendances totalitaires qui peuvent resurgir à n’importe quelle époque, m’a paru particulièrement lumineuse. En fait, j’ai découvert chez elle une vraie philosophie de l’actualité. Dans tous ses textes, elle nous invite à penser notre temps. Et chaque relecture apporte quelque chose de nouveau, en fonction des échos du moment, de l’état de notre société. Depuis que je l’ai découverte au lycée, ses concepts m’accompagnent, tout comme sa manière d’envisager le monde.

Elle se définit elle-même comme « quelque chose entre un historien et un journaliste politique ». Arendt est-elle une philosophe ?

Arendt est bien évidemment philosophe, car elle pense en philosophe. Mais le fait qu’elle se définisse autrement, parfois aussi comme « une sorte de phénoménologue de la politique », cela veut dire quelque chose. Déjà parce qu’elle a effectivement toutes ces casquettes, mais surtout parce qu’elle n’est pas une philosophe « classique », elle n’est pas une philosophe de « système ». C’est sa grande particularité. Elle ne cherche pas à élaborer de théorie. Elle ne fige pas le réel dans un système conceptuel, bien au contraire. Elle se démarque de la tradition philosophique en rejetant cette position de surplomb par rapport au réel et en refusant de forger des concepts qui se veulent éternels et totalisants.

« Elle-même disait que la pensée était sa réponse à l’angoisse. C’est une pensée qui console »

La pensée, selon elle, n’a de sens que si elle est en mouvement, dynamique, nourrie par l’expérience. Elle-même a vécu les sombres temps, l’exil, la condition de réfugié. Et c’est précisément face à l’expérience du totalitarisme, au choc de cet « enfer devenu réalité » qui a mis en crise toutes nos catégories de pensée, qu’elle définit cette urgence de la compréhension. Elle-même disait que la pensée était sa réponse à l’angoisse. C’est une pensée qui console. Non pas parce qu’elle donnerait de la cohérence ou de l’harmonie, mais parce qu’elle est une recherche, un mouvement constant de réconciliation avec le monde après que l’impensable s’est produit. Plus qu’une méthode, la pensée d’Arendt est en fait une injonction à comprendre.

Quelles sont ses principales influences ?

Il y a Heidegger et Jaspers, ses deux g

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