COMBIEN ai-je d’amis ? Dix ? Vingt ? Cent ? Deux cents ? Je serais bien en peine de le dire. Et, d’abord, qu’est-ce que l’amitié ? Il n’y a pas seulement toute une gradation entre connaissance, camarade, copain ou copine, pote, complice, confident ou confidente et alter ego « à la vie, à la mort » : la notion est aussi floue que fluctuante. J’ai du plaisir à retrouver des personnes perdues de vue depuis de longues années, avec lesquelles une relation affectueuse se rétablit immédiatement comme si nous ne nous étions jamais quittés, alors que d’autres, qui me sont proches et que je fréquente régulièrement, ont tendance à m’irriter.

Pour être amis, il faudrait « avoir des atomes crochus ». Drôle d’expression que nous devons, paraît-il, aux physiciens grecs de l’Antiquité. L’image est dérangeante : elle ne suggère vraiment pas des affinités qui font naître la sympathie ! En tout cas, pour prouver son affection, il y a mieux que montrer ses crocs…

Si on peut être éperdument amoureux de quelqu’un qui nous ignore, l’amitié, elle, exige une certaine réciprocité. Cependant, les adjectifs qui la caractérisent ou les mots qui l’accompagnent peuvent être trompeurs. Une petite amie, c’est beaucoup plus qu’une grande amie ! Dire de quelqu’un qu’il est « ami du genre humain », c’est sous-entendre qu’il n’a en réalité de véritable affection pour personne. Et, pour endormir un ennemi, on « fait ami-ami » avec lui.

L’envers du mot n’est pas joli-joli. Il y a du mépris dans « mon pauvre ami » et de l’agressivité dans « sachez, mon petit ami, que… ». Quant aux expressions qui sont employées machinalement, elles laissent parfois perplexe. Un monsieur très poli conclut sa lettre par un « Faites mes amitiés à votre épouse ». Comment on fait ? 

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