Que peut-on espérer de 2024 ? Chacune, chacun d’entre nous, forme des vœux intimes pour les siens et pour soi-même, qui vont de la santé à la réussite, de la joie et de la légèreté au bonheur, lequel procède d’un subtil mélange de surprises et de réassurances, d’audace et de sécurité. Si le singulier est plus facile à formuler (quoique imprévisible…), le sort collectif de notre pays relève d’une alchimie dont ne sont pas absentes les aspirations individuelles.

Le triptyque républicain, si on veut bien le regarder comme une « ardente obligation » – préserver nos libertés, tendre vers l’égalité, instaurer la fraternité – gagnerait à être renforcé, ou sublimé, par un mot-notion qui fait son chemin dans les esprits comme dans les revendications populaires : la dignité – définie comme le respect absolu que mérite toute personne, dès lors qu’elle existe, sans conditionnalité, sans préalable de mérite ou d’appartenance.

Il reste du chemin à parcourir pour ne plus stigmatiser les plus fragiles.

« Nous sommes dans une société d’individus qui veulent être des personnes singulières, insiste Pierre Rosanvallon dans ce numéro. Chacun n’attend pas simplement d’être un individu bien traité ; il attend de pouvoir exister et se fortifier dans sa singularité. » D’où la nécessité pour le politique, dit-il, d’avoir « le souci » de penser la dignité dans la sphère de la vie sociale et publique. Avec l’expression de dignité, affirme Cynthia Fleury, dont l’essai La Clinique de la dignité, paru au Seuil, a été l’un des livres phares de l’année écoulée, « le sujet met le doigt sur de l’inaliénable : je n’ai pas besoin d’un autre pour affirmer ma dignité, personne ne peut me la voler car elle me constitue irréductiblement. » À l’échelle d’une société, se montrer digne suppose des actes au-delà des mots. Un engagement citoyen dont quelques pistes sont suggérées ici. Prendre en charge, par son propre corps engagé, la souffrance sociale, le soin dû à chacun. Aider l’autre pour s’aider soi.

La dignité devrait en premier lieu obliger ceux qui nous gouvernent.

Sans parler d’utopie, il reste du chemin à parcourir pour ne plus stigmatiser les plus fragiles. La psychologue Catherine Tourette-Turgis n’hésite pas ainsi à parler d’« apartheid silencieux » entre le monde des bien-portants et celui des malades. L’observation vaut pour les personnes en situation de grande pauvreté dont la Défenseure des droits, Claire Hédon, se fait l’écho. « La dignité, témoignent-elles, c’est quand on nous écoute, qu’on n’est pas invisibles. » Même constat, souligne le psychanalyste Benjamin Lévy, pour les détenus, dont l‘existence est « réduite à la satisfaction des besoins vitaux ». Sans oublier de repenser la dignité humaine à la lumière de notre rapport aux « non-humains », les animaux en premier lieu, comme le suggère le philosophe Benoît Berthelier.

Avec la loi sur l’immigration passée au forceps dans les derniers jours de l’année, la majorité macroniste jouant avec le feu de l’extrême droite dans un exercice de cynisme politique ahurissant, ajoutons que la dignité devrait en premier lieu obliger ceux qui nous gouvernent. Est-ce faire preuve d’angélisme ou d’une saine exigence ?

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