Plus de soixante pays vont connaître une élection majeure cette année. Tous ne connaissent pas le même niveau de démocratie.

L’indice de démocratie est une évaluation annuelle du niveau démocratique des États dans le monde qui a été menée pour la première fois en 2006 par le groupe de presse britannique The Economist. Le dernier rapport publié en 2023, portant sur l’année 2022, notait que « moins de la moitié de la population mondiale vit dans une démocratie ».

L’indice de la démocratie provient d’un calcul fondé sur 60 critères ayant trait au processus électoral et au pluralisme, aux libertés civiles, au fonctionnement du gouvernement, à la participation et à la culture politiques. Les démocraties à part entière (indice supérieur à 8) sont les États qui respectent la séparation des pouvoirs, la constitution, les libertés civiles et fondamentales, tout en connaissant des « problèmes mineurs » dans le fonctionnement démocratique. Les démocraties imparfaites (de 6 à 7,99) sont caractérisées par des États organisant des élections libres et transparentes, mais où des violations des libertés fondamentales peuvent être constatées. Les régimes hybrides (de 4 à 5,99) sont des États où les élections sont le théâtre régulier de fraudes, où une corruption généralisée et des pressions sur l’opposition sont constatées et où l’état de droit est « très faible ». Dans les régimes autoritaires (monarchies ou dictatures, indice inférieur à  4), le pluralisme est limité, voire inexistant, les violations des libertés fondamentales sont récurrentes, les élections ne sont ni libres ni transparentes, la censure et la répression sont monnaie courante.

 

Autriche

À neuf mois des élections législatives autrichiennes, le parti d’extrême droite FPÖ (le Parti de la liberté d’Autriche) est en tête avec 30 % des intentions de vote, loin devant le parti libéral-conservateur (ÖVP) et le parti social-démocrate (SPÖ). Nullement ébranlé par le scandale de corruption qui, en 2019, a contraint son chef d’alors, Heinz-Christian Strache, à démissionner de ses fonctions de vice-chancelier, le FPÖ se distingue par ses positions prorusses, climatosceptiques et antivax, et sa proximité avec les milieux complotistes. Fort de cette popularité, le nouveau chef du parti Herbert Kickl vise désormais la chancellerie.

 

Russie

Un peu plus de deux ans après le déclenchement de l’invasion russe en Ukraine, Vladimir Poutine, 71 ans, sollicite un cinquième mandat de président de la Russie, fonction qu’il exerce depuis le 31 décembre 1999 avec un intermède de quatre ans comme Premier ministre omnipotent. Une révision constitutionnelle lui permet même d’envisager rester sur son trône jusqu’en 2036 ! Les principaux opposants jetés en prison, Alexandre Navalny éloigné en Arctique, le scrutin ne sera entouré d’aucun autre suspense que celui de la participation réelle d’un pays marqué par la guerre.

 

Ukraine

2024 aurait dû être l’année de l’élection présidentielle en Ukraine. Toutefois, après avoir annulé les élections législatives à l’automne 2023, le président Volodymyr Zelensky s’est prononcé en faveur d’un report de ce scrutin majoritaire à deux tours. « Ce n’est pas le moment pour des élections », a-t-il déclaré en conférence de presse. Il faudrait en effet imaginer comment organiser un scrutin sous la loi martiale, pouvoir garantir des élections sans interférence étrangère, résoudre la question épineuse du vote dans les territoires occupés par la Russie… La décision ne fait toutefois pas l’unanimité au sein de la société ukrainienne.

 

Mexique

L’élection présidentielle, prévue en juin, semblait jouée d’avance. Claudia Sheinbaum, ex-mairesse de Mexico, devait succéder sans surprise au président Andrés Manuel López Obrador, permettant au Mexique de poursuivre son virage à gauche. C’était sans compter l’émergence soudaine de la sénatrice conservatrice Xóchitl Gálvez, qui a remporté les primaires de l’opposition. « Ma règle d’or : pas de feignasses, pas d’escrocs, pas d’enfoirés », a-t-elle confié à l’AFP. Quelle que soit l’issue du scrutin, l’élection d’une femme à la tête du Mexique constituera une première dans l’histoire d’un pays connu pour être le théâtre de milliers de féminicides chaque année.

 

Venezuela 

Au pouvoir depuis 2013, le président chaviste Nicolás Maduro devrait briguer un troisième mandat au second semestre 2024. Sa rivale, la libérale María Corina Machado, a remporté haut la main des primaires organisées malgré diverses opérations de sabotage dénoncées par l’opposition. Pour l’heure, cependant, Machado est frappée d’inéligibilité, comme nombre d’opposants. En allégeant récemment ses sanctions économiques sur le Venezuela, Washington s’attend à ce qu’aucun candidat ne se voie mettre des bâtons dans les roues par le pouvoir en place.

 

Algérie 

Abdelmadjid Tebboune se présentera-t-il à sa réélection en décembre prochain ? Si tel était le cas, le président de 78 ans n’aurait pas de mal à se faire réélire. Ayant muselé le pays de toute part, l’État poursuit sa dérive autoritaire : manifester est désormais interdit et le paysage médiatique n’a jamais été aussi détérioré. Dans ce contexte étouffant, les opposants s’exilent par milliers. Un exode que tente pourtant d’endiguer le gouvernement, qui craint que la communauté internationale ne vienne mettre son nez dans ses affaires.

 

Tunisie 

Deuxième président élu au suffrage universel dans la Tunisie post-révolutionnaire, Kaïs Saïed s’est rapidement octroyé les pleins pouvoirs, le 25 juillet 2021. Depuis, cet adepte de la théorie du « grand remplacement » gouverne et entretient sa popularité par la force du populisme, du complotisme et du conspirationnisme. Sa probable réélection – l’opposition est à présent réduite au silence – risque d’éloigner encore un peu plus la Tunisie, berceau du Printemps arabe, des aspirations profondes de son peuple, avide de démocratie.

 

Ghana

Classé parmi les sept pays les plus démocratiques du continent, le Ghana fait figure d’îlot en Afrique de l’Ouest, un pays modèle qui connaît depuis trois décennies des élections transparentes et des alternances politiques paisibles. Inéligible après deux mandats consécutifs, le président Nana Akufo-Addo remettra ainsi les clés du pouvoir en décembre, soit à l’actuel vice-président Mahamudu Bawumia, soit à l’ancien président John Mahama, aujourd’hui dans l’opposition. Ces deux favoris ont été désignés candidats après des primaires internes dans leur parti respectif.

 

Afrique du Sud

Trente ans après les premières élections multiraciales qui permirent à Nelson Mandela de présider aux destinées de l’Afrique du Sud, l’ANC peine à rassembler la moitié des intentions de vote, alors que le parti obtenait un score de près de 63 % en 1994. Les raisons de la désillusion sont multiples : taux de chômage de près de 32 %, réseau électrique proche de l’effondrement, usure du pouvoir, affaires de corruption… S’il veut effectuer un deuxième mandat, le président Cyril Ramaphosa devra probablement composer une coalition. Une première depuis trente ans !