Est-ce la goutte (de pétrole) qui fait déborder le vase ? Alors que la remontée du cours du brut pèse déjà fortement sur les prix à la pompe, la hausse des taxes sur le diesel et l’essence (respectivement 6,5 et 2,9 centimes par litre) fait en tout cas figure d’épouvantail au sein du mouvement des « Gilets jaunes », et plus largement auprès d’une population excédée par la ponction dont elle se dit victime. La réalité des chiffres aurait pourtant tendance à minimiser, a priori, une telle hausse. Pour l’automobiliste français moyen, qui parcourt chaque année 17 400 kilomètres (soit 48 kilomètres par jour), celle-ci représente en effet un surcoût mensuel de 6 euros dans le cas d’un moteur diesel, moitié moins pour les propriétaires de voiture à essence. Ces 6 euros suffisent-ils à ébranler la République, alors même qu’ils participent d’une politique publique nécessaire, en faveur de la transition écologique et de la fin des énergies fossiles ?
Pour convaincre du bien-fondé de ces hausses, si minimes soient-elles, le gouvernement doit relever un double défi. D’abord celui de la cohérence : ces taxes seraient sans doute mieux acceptées si leur produit était effectivement fléché vers le soutien aux énergies durables. Et la population se plierait d’un meilleur gré aux efforts écologiques qui lui sont demandés si, dans le même temps, l’État n’autorisait pas l’ouverture par Total d’un nouveau forage pétrolier au large de la Guyane. Le second défi est celui de l’équité. Car ces 6 euros mensuels n’affectent pas la population de la même manière. Une fois les factures et la nourriture payée, les 10 % des ménages les plus modestes disposent d’un budget de 180 euros pour vivre. 6 euros représentent alors plus de 3 % de ce budget. Pour les 10 % des ménages les plus aisés, cette hausse équivaudrait à une ponction de 63 euros mensuels. Autant dire que la perception de la mesure serait alors bien différente…