« Je ne suis ni coach, ni psy, ni chercheuse, et je n’ai pas la prétention de vous fournir un rapport exhaustif sur les différentes formes d’optimisme », affirme tout de go Catherine Testa, auteur d’Osez l’optimisme, petit « guide opérationnel » publié en avril chez Michel Lafon. Elle explique avoir tout plaqué pour créer un projet dédié à l’optimisme. Depuis son lancement, en janvier 2016, son site web agrège une communauté de plus de 200 000 personnes sur les réseaux sociaux. Elle anime maintenant un groupe de « chief happiness officers » pour que les entreprises apprennent à remettre l’humain au centre. « J’ai eu envie de donner aux citoyens l’envie d’agir, de leur faire savoir qu’ils pouvaient, individuellement, faire bouger les choses. Ou du moins essayer... », dit la jeune femme pour qui cette posture est un apprentissage lié à une décision que l’on prend avec soi-même.
Cette notion de posture est aussi celle utilisée par le porte-parole de la Ligue des optimistes de France, Philippe Gabilliet. Depuis 2010, cette petite structure anime des rencontres avec un succès auquel les fondateurs ne s’attendaient pas. « Être optimiste, c’est faire un pari intellectuel et philosophique sur l’optimisation possible de la réalité : la vie est pleine de désagréments, les actualités apportent chaque jour leur lot de mauvaises nouvelles, mais l’optimiste sait qu’on peut arriver à faire mieux avec l’existant. » Comment ? En suivant ces trois préceptes :
1) capitaliser sur ce qui va bien et transformer cela en ressource pour mobiliser plus largement. « Peu nombreux sont les corps sociaux qui, historiquement, se sont mobilisés à partir du pessimisme, en misant sur les impuissances », note ce psychologue social ;
2) parier sur l’amélioration possible des choses. Comme le souligne Catherine Testa, « l’optimisme ne consiste pas à regarder la vie avec des lunettes roses, il n’est pas le fait de doux rêveurs et ne consiste pas à nier la réalité ». Là où certains veulent y voir du « positivisme », les optimistes rétorquent qu’il ne s’agit que de poser d’autres hypothèses de départ ;
3) agir, car c’est l’action et le libre arbitre qui mènent le monde. Comme l’analyse Philippe Gabilliet, « l’optimisme est un ancêtre de l’existentialisme. En digne héritier de Leibniz, il parie sur l’intelligence, la créativité et la liberté. Si on anticipe le meilleur, on affirme une vraie foi dans le pouvoir d’action des gens, car c’est en faisant qu’on a le pouvoir de changer le monde ».
Faut-il pour autant opposer optimiste et pessimisme ? « Non ! Loin de s’opposer, ils incarnent deux façons d’aborder le réel : le pessimisme d’action permet aussi d’accomplir nombre de choses ! », rappelle Philippe Gabilliet en citant Beaumarchais qui, au XVIIIe siècle, résumait ainsi le concept de plan B : « Je préfère craindre sans raison que m’exposer sans précaution. » De fait, certains aiment jouer sur les deux volets en insistant sur « la nécessaire alliance du pessimisme de l’intelligence et de l’optimisme de la volonté » formulée par l’intellectuel marxiste Antonio Gramsci. Cette vision de la vie, appliquée à l’échelle de la société, se traduit par exemple dans la rédaction du programme Les Jours heureux, publié par le Conseil national de la Résistance. « Nous sommes encore dans la tragédie mais on se tourne alors vers les forces de vie », commente le philosophe Patrick Viveret. Cultiver la joie est, selon lui, un enjeu émotionnel et sociétal.
Nombreux sont les optimistes, d’ailleurs, à citer le moine bouddhiste Mathieu Ricard pour qui « il est trop tard pour être pessimiste ». Mathieu Baudin, cofondateur de l’Institut des futurs souhaitables, est l’un de ceux qui ont fait leur cette formule. « Dans la crise que nous vivons, essayez donc le pessimisme ! » ironise-t-il en précisant que l’optimisme, à ses yeux, doit être conçu comme un souffle plus qu’une fin en soi. De quoi aborder le monde autrement qu’avec des scénarios noirs, de la peur ou le simple désir de nouveauté : « Un scénario d’avenir souhaitable ne repose pas sur la peur et n’extrapole pas sur un dégoût, il mise sur l’espoir et prépare l’avenir plus qu’il ne le prédit en partant des signaux faibles qui prouvent que le monde se réinvente avec une énergie fabuleuse. »
Pour preuve, les « conspirateurs positifs » se perçoivent comme des rêveurs de possibles. Une posture qui n’est pas sans rappeler celle développée par le sociologue allemand Peter Wagner dans Sauver le progrès en 2016. Cet auteur défend une vision désirable de l’avenir où la croissance n’est plus mesurée par le PIB, mais par des indices de développement humain qui abordent la notion de richesse sous un angle plus ouvert et l’étendent à des aspects plus larges de notre quotidien (revenus, espérance de vie, éducation, culture, environnement). Le progrès, dans son analyse, repose sur une volonté d’autonomie collective et de démocratie renouvelée… Dans ces conditions, le meilleur serait à venir. On en rêve, non ?