En mai dernier, un rapport de la Cour des comptes s’alarmait du recours croissant aux enseignants contractuels dans l’Éducation nationale : ils sont désormais plus de trente mille dans le second degré à défiler devant les classes, un chiffre en hausse de 15 % sur deux ans. Des enseignants sans formation spécifique, recrutés sur la seule bonne foi de leur bac + 3, et affectés en priorité dans les établissements les plus difficiles. Cette situation est légitimement mal vécue, que ce soit par leurs collègues, qui y voient un mépris du métier, ou par les parents d’élèves, qui s’inquiètent de la qualité des cours donnés. Elle est surtout le symptôme le plus flagrant du mal-être qui frappe aujourd’hui le monde enseignant : moqué, méprisé, souvent caricaturé, le métier souffre de sa faible attractivité. Le nombre de candidats au Capes ou à l’agrégation a chuté de 30 % en quinze ans, et chaque année des centaines, voire des milliers de postes, ne sont plus pourvus. Quant aux démissions, jusqu’alors rarissimes, elles ont doublé en cinq ans, notamment auprès des professeurs stagiaires, découragés avant même de boucler leur première année. 

La France n’est certes pas le seul pays occidental à connaître cette crise du recrutement. Mais celle-ci vient charger la barque d’une institution à l’image déjà brouillée, à force de rapports incendiaires et d’enquêtes PISA médiocres. Car si ces dernières ont montré du doigt par le passé le caractère inégalitaire du système éducatif français, on sait désormais, depuis l’édition 2015, que notre pays est aussi celui où le climat de discipline est le plus dégradé ! Un constat bien connu des jeunes enseignants, pour qui l’ambiance dans les salles de classe reste le principal indice de leur épanouissement… ou de leur détresse. Premiers de corvée sur le front de l’éducation, ceux-ci sont aussi les premiers à nourrir cette saignée qui frappe aujourd’hui les enseignants.

Alors comment restaurer l’attractivité du « plus beau métier du monde » ? Comment améliorer le sort de près d’un demi-million de professeurs du secondaire ? Dans ce numéro, le 1 donne la parole aux enseignants pour comprendre les raisons de leur mal-être, et esquisser avec eux quelques pistes pour un avenir meilleur. Certaines sont défendues par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, comme le prérecrutement des enseignants ou le recours aux secondes carrières. D’autres ont déjà été éprouvées, avec succès, à l’étranger. Aucune, évidemment, ne peut faire figure, à elle seule, de solution miracle pour sauver la filière. Mais l’immobilisme reste encore le plus sûr moyen de nourrir une colère qui, elle, ne sera pas toujours rentrée.