– Dis donc, tu as l’air en pleine forme !
– Je rentre de stage.
– Voile ? Chant ? Informatique ?
– Non, stage de désobéissance civile.
– Ah bon ? Tu apprends à désobéir maintenant ? Je te croyais respectueux des lois.
– Ce qui est légal n’est pas forcément légitime. Tu ne vois pas que la planète court à la catastrophe ? Que ce gouvernement hypocrite est au service d’un ordre capitaliste qui pollue et crée des inégalités ?
– Si je comprends bien, tu soutiens ceux qui démontent des panneaux publicitaires, dégonflent des pneus de 4 × 4 ou aspergent de soupe de tomate une toile de Van Gogh… Je te croyais non violent.
– Je le suis. Il ne faut pas confondre dégradations et violences. Les désobéissants s’en prennent d’ailleurs à des biens, jamais à des personnes.
– Et qu’as-tu appris à ton stage ?
– Des choses très concrètes : comment faucher un champ d’OGM à mains nues parce qu’un outil serait considéré comme une arme ; comment s’enchaîner à un engin de chantier ; comment faire la tortue…
– La tortue ?
– Oui, s’asseoir par terre à plusieurs en s’emmêlant les bras et les jambes pour laisser aux médias le temps de faire des images. Il y a une variante : la chenille…
– Et si tu te retrouves au poste après ces acrobaties ?
– Au stage, on a appris comment rendre muet son téléphone portable ou les erreurs à ne pas commettre en garde à vue.
– Nous ne sommes ni en Chine ni en Russie. En démocratie, il existe mille moyens de défendre ses idées sans enfreindre la loi.
– Lorsqu’une démocratie agit contre les principes dont elle se réclame, lorsqu’un pouvoir ne veut rien entendre, on a non seulement le droit, mais le devoir de désobéir. L’obéissance à un ordre injuste est un crime.
– On va s’énerver. Restons-en là. Explique-moi plutôt la tortue et la chenille.
– Pourquoi pas ? Si ça peut t’amener, en plein désastre climatique, à cesser de faire l’autruche…