Parfois, le débat sur « l’exil des cerveaux » peut laisser perplexe. Est-ce que le fait pour un jeune diplômé de partir, de travailler à l’étranger, d’aller créer une entreprise ailleurs doit être interprété comme une fuite ? Comme un abandon ?
Qu’il s’agisse d’immigration ou d’expatriation, j’ai souvent la faiblesse de penser que les perceptions de ces notions ne font que refléter l’état d’esprit d’une nation qui s’est un peu repliée sur elle-même. Croire que l’on abandonne sa culture et qu’on en épouse une autre dès que l’on quitte l’Hexagone est un travers trop souvent observé. Il faut pourtant s’y faire : la génération née à l’ère digitale n’a aucune crainte de ce genre. Ils n’abandonnent pas la France : ils s’ouvrent à d’autres cultures. Ils ne brûlent pas de ponts, car ils savent que Facebook, Skype et quelques heures d’avion leur permettent d’être à nouveau en compagnie de leurs proches.
Pour beaucoup, ils aiment la France et se revendiquent comme Français, mais fuient le débat national sans fin ni raison qui anéantit ce pays à petit feu. Et quelle que soit la maturité de leur conscience sociale ou politique, ils le sentent ; et ont besoin d’oxygène. J’ai toujours trouvé que l’accusation d’individualisme dont on afflige cette génération est particulièrement injuste. Comment nous, qui leur léguons un modèle social qui ne marche plus, un pays qui n’a plus de projet commun, qui, les dernières élections viennent de le rappeler, a des inclinaisons racistes ; comment pourrions-nous leur reprocher d’être individualistes ? S’ils le sont, alors nous, les générations précédentes, sommes étriqués, moralistes et castrateurs. Notre moralisme se pare d’ailleurs d’une défense d’une identité nationale, d’un projet que nous sommes pour autant incapables de définir.
Lorsqu’on a 25 ans, on n’a pas envie d’être traité comme un mineur perpétuel, on veut de la découverte, de l’invention ; et l’on sort de cette expérience d’autant plus émerveillé par les bons côtés, et ils sont nombreux, de notre pays.