LES AFGHANES devraient faire attention : elles vont finir par s’attirer une réputation de râleuses. Systématiquement, chaque fois que le ministère de la Propagation de la vertu et de la Prévention du vice annonce une nouvelle mesure, on les entend murmurer. Et ces murmures sont d’autant plus désagréables que la burqa dissimule la bouche qui les émet. Rien ne semble convenir à ces femmes. La moindre interdiction (de sortir seule dans la rue, de chanter, d’obtenir un permis de conduire, d’accéder aux salles de sport, de se promener dans les parcs publics, d’enseigner, d’aller à l’école après l’âge de 12 ans…) est perçue par les plus rebelles d’entre elles comme une oppression.

L’un des derniers décrets du ministère interdit aux médias de publier des images d’êtres vivants. Parce qu’il est sacrilège de vouloir imiter l’action créatrice de Dieu. Par « êtres vivants », il faut entendre aussi les animaux. Des patrons de restaurant ont été sommés par exemple de masquer, sur les cartes de leurs établissements, les photos de poissons qui y sont servis. Selon des théologiens radicaux, même les végétaux devraient être concernés par cette stricte application de la charia.

Et les femmes ? Elles sont bien des êtres vivants, même si leur voile intégral, avec un simple grillage pour les yeux, pourrait permettre d’en douter. Mais cet habit de fantôme les soustrait déjà à la vue. Elles ont en quelque sorte une longueur d’avance sur les hommes. Pour une fois, ce sont leurs seigneurs et maîtres qui font les frais d’un décret. À Kaboul, grâce au ministère de la Propagation de la vertu et de la Prévention du vice, un pas vient d’être franchi en faveur de l’égalité des sexes.