Dans ce procès, on en voit de toutes les couleurs. Personne ne circule sans badge : noir pour les avocats ; orange pour les journalistes ; bleu pour les organisateurs ; jaune pour les gendarmes ; rouge pour les rescapés ou les proches des victimes qui ne veulent pas parler aux médias ; vert pour celles et ceux qui acceptent d’être interrogés ou filmés ; et même un double badge pour les parties civiles encore hésitantes.

Nul besoin de badge pour Salah Abdeslam, unique survivant des commandos de tueurs du 13 novembre 2015, dont l’assistance guette le moindre mot. Une femme musulmane qui a perdu sa sœur dans ce massacre lui lance : « Ceux qui ont fait ça ne sont pas des musulmans, notre islam à nous nous interdit de tuer ! » Il répond : « Nous, on n’a pas visé les musulmans. Si votre sœur était musulmane et qu’elle est décédée, c’était un accident de notre part. » Le mot fait sursauter le président du tribunal. « Accident ? » Abdeslam se reprend : « Attendez… Pas un accident. On ne vise pas les musulmans, on ne vise que les mécréants. »

Et c’est là qu’il y a un problème. Car comment distinguer, dans une salle de spectacle, un musulman d’un mécréant ? N’aurait-il pas fallu, dans la salle d’audience elle-même, des badges de couleurs différentes pour ne pas confondre les parties civiles ?

Le 13 novembre 2015, Abdeslam n’avait pas été en mesure de déclencher sa ceinture d’explosifs. Plutôt qu’au paradis, il s’est retrouvé dans une cellule de haute sécurité à Fleury-Mérogis. Peu après son martyre raté, il écrivait à l’un de ses chefs en Syrie : « J’aimerais juste, pour l’avenir, être mieux équipé avant de passer à l’action. »

Défaut d’équipement par-ci, accident par-là… Le djihad appelle encore quelques ajustements.