Deux siècles d’histoire
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C’est essentiellement pour ouvrir une nouvelle route des Indes que Bonaparte part à la conquête de l’Égypte en 1798. Le Directoire l’a chargé de détruire les comptoirs anglais de la mer Rouge et de percer l’isthme de Suez qui sépare celle-ci de la Méditerranée. Un canal de quelque 160 km éviterait de contourner l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance et réduirait considérablement le trajet de l’Europe à Bombay.
Les deux mers ont été reliées à plusieurs reprises au cours de l’histoire : du temps des pharaons, puis sous les Perses et les Ptolémées, enfin au début de la conquête arabe. Mais il ne s’agissait alors que d’un parcours indirect, réservé à de modestes embarcations. La mer Rouge était raccordée au Nil par un ou plusieurs canaux, et c’était une branche du fleuve qui faisait le lien avec la Méditerranée. Le « canal des Pharaons », appelé par la suite « fleuve de Trajan » et finalement baptisé « canal du Prince des fidèles » par les Arabes, devait être comblé en 762 pour priver de ressources la ville de Médine qui s’était révoltée contre le calife. Et il a cessé définitivement d’exister.
Chargés de concevoir un canal entre les deux mers, les ingénieurs de Bonaparte travaillent dans des conditions difficiles et arrivent à une conclusion erronée : la mer Rouge, estiment-ils, est plus haute d’une dizaine de mètres que la Méditerranée ; si on perce l’isthme de Suez, l’Égypte sera inondée ; seul un canal à écluses conviendrait. Bonaparte, devenu Napoléon, n’a pas le temps d’approfondir un tel projet, qui va rester dans les cartons.
En 1832, un jeune diplomate français, Ferdinand de Lesseps, arrive en Égypte pour y occuper le poste de vice-consul. Soumis à une quarantaine à Alexandrie en raison d’un cas suspect de choléra, il tue le temps en se plongeant dans le mémoire des ingénieurs. L’idée d’un canal reliant les deux mers le fascine. Elle ne le quittera plus.
L’année suivante, Lesseps, devenu consul, voit débarquer à Alexandrie les saint-simoniens. Leur chef, Prosper Enfantin, est un disciple du comte de Saint-Simon qui professait un socialisme fondé sur le développement de l’industrie. Mais, de cette école de pensée, il a fait une Église, avec des idées assez farfelues : ce polytechnicien se fait appeler « le Père » ; il doit rencontrer en Égypte « la Mère », une femme-Messie, pour former avec elle « l’association universelle des peuples ». Et c’est un canal, reliant la mer Rouge à la Méditerranée, qui marierait physiquement l’Europe à l’Orient.
Mohamed (ou Méhémet) Ali, le maître de l’Égypte, ne veut pas en entendre parler. Il invite les ingénieurs saint-simoniens à participer plutôt à la construction d’un barrage sur le Nil, vite abandonnée en raison d’une épidémie de choléra. De retour à Paris après avoir accumulé les déceptions, Enfantin crée en 1846 la Société d’études pour le canal de Suez. On sait désormais que les deux mers sont au même niveau. Cela n’empêchera pas les saint-simoniens de concevoir un projet de canal compliqué, enjambant le Nil, qui, de toute façon, n’aboutira pas.
Après avoir été consul en Égypte, Ferdinand de Lesseps a exercé d’autres fonctions diplomatiques avec succès. Il a cependant dû quitter la carrière en 1849 après avoir fait les frais des incohérences de la politique française à l’égard de la République romaine, et s’est retiré dans ses terres du Berry.
En 1854, il apprend que le prince Saïd pacha, qu’il a connu adolescent, est devenu le gouverneur de l’Égypte. Raison suffisante pour prendre le premier bateau et lui demander une audience. Le nouveau
« L’axe principal des échanges entre l’Europe et l’Asie »
Michel Foucher
Si les câbles sous-marins furent et restent le vecteur de la mondialisation financière (entre Brest et Cape Cod aux États-Unis en 1869 ; entre Londres, Hong Kong et l’Australie en 1871), les canaux de Suez puis de Panama ont accéléré la mondialisation commerciale.
Le canal de Suez
En poster, un grand dessin, accompagné de notices explicatives illustrées, présente une traversée du canal, de Suez à Port-Saïd. Une façon claire, synthétique et esthétique de revenir sur sa construction, le trafic commercial qu’il voit défiler, mais aussi les enjeux économiques, écologiques et s…