Combien de temps un mauvais souvenir doit-il hanter une culture politique ? Telle est la question posée par l’antagonisme entre le noble outil de participation démocratique qu’est le référendum et son odieux dévoiement autoritaire qu’est le plébiscite.

Alors que le député Malouet s’était attiré les foudres de ses collègues pour avoir proposé de faire ratifier la Constitution de 1791 par le peuple, ce procédé a été utilisé pour la Constitution de l’an I (1793). Suspendu en raison des nécessités du gouvernement révolutionnaire, puis balayé par les Thermidoriens, ce texte d’inspiration rousseauiste a posé les jalons de la crainte qu’inspirent les procédés de démocratie directe (référendum, initiative populaire, mandat impératif, etc.). L’épopée napoléonienne n’a fait qu’accentuer ce sentiment. À l’occasion de plébiscites dont la sincérité est douteuse, Bonaparte a obtenu du peuple la ratification grégaire de l’accroissement de son pouvoir : en l’an VIII lors de l’adoption de la Constitution qui faisait suite au coup d’État du 18 brumaire, en l’an X afin de faire de Bonaparte un Consul à vie, en l’an XII afin de mettre en place l’Empire, en 1815 afin de tenter un ultime retour. Le procédé ne retrouva une certaine vigueur que pour se décrédibiliser un peu plus avec la seconde aventure napoléonienne. Faute de pouvoir se faire réélire immédiatement ou de parvenir à modifier la Constitution, le président de la IIe République se résolut au coup d’État. Les 21 et 22 décembre 1851, à la proposition « le Peuple français veut le maintien de l’autorité de Louis Napoléon Bonaparte, et lui délègue les pouvoirs nécessaires pour établir une constitution », 7 481 231 « oui » triomphèrent de 647 292 « non ». Moins d’un an après, la dignité impériale fut rétablie, le peuple acquiesçant au retour de l’autoritarisme. Un dernier plébiscite, en

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