Le monde des transports est très complexe et ne peut malheureusement pas se résumer à une opposition simpliste entre « gentils trains » et « méchants avions ». Il est vrai que l’avion génère beaucoup plus d’externalités négatives que son homologue ferroviaire : son coût environnemental est important, et son impact écologique local, autour des aéroports notamment, est indéniable. C’est un véritable problème, pour un mode de transport dont le trafic est reparti de plus belle après l’épisode du Covid. Le train à l’inverse, du moins lorsqu’il est électrifié – c’est le cas de 60 % de ceux qui circulent en France –, a des externalités négatives presque nulles : très peu d’émissions de CO2 et de polluants, peu d’accidents, etc. De ce point de vue, le train est ce que l’on peut faire de mieux en matière de transports de masse. Dès lors, la question pourrait sembler simple : pourquoi ne pas taxer plus sévèrement l’avion, pour redynamiser le train ?

La réalité est malheureusement beaucoup plus compliquée. Dans le monde des transports, la substitution n’existe qu’à la marge. Chaque mode de transport est dans son propre couloir. Prenez l’exemple de la Suisse : le pays a un excellent réseau ferroviaire, chaque année les habitants parcourent en moyenne 2 500 kilomètres en train. C’est deux fois plus qu’en France ! Et pourtant, ces mêmes Suisses font également 9 000 kilomètres par an en avion, contre 2 500 pour les Français… De la même manière, lorsque l’Allemagne a introduit les billets de train à 9 euros à l’été 2021 [voir l’article à ce sujet en poster], le succès a été immense au sein de la population. Pourtant, au même moment, les trajets en voiture augmentaient aussi. En France, le trafic ferroviaire s’est développé de plus de 50 % ces trente dernières années, ce qui est un très bon résultat. Mais, dans le même temps, l’usage de la voiture a augmenté de plus de 35 % et celui de l’avion, bondi de plus de 100 %.

« Les modes de transport s’ajoutent, plutôt que de se substituer, et le train et l’avion ne répondent pas aux mêmes usages »

Qu’est-ce que cela signifie ? D’abord, que l’avion s’est largement démocratisé et qu’il n’est plus seulement utilisé par les riches, ce qui rend son encadrement ou sa limitation d’autant plus difficiles. Ensuite, que les modes de transport s’ajoutent, plutôt que de se substituer, et que le train et l’avion ne répondent pas aux mêmes usages. En réalité, seulement 10 % des liaisons aériennes peuvent également être effectuées par rail. La grande majorité des destinations n’est pas accessible autrement. Et ce sont ces voyages longue distance qui se développent le plus aujourd’hui. Certes, la décision de la France d’interdire les vols domestiques courts, comme les Bordeaux-Paris-Orly a été pertinente. On a bien vu que, dans ces cas, le report sur le train est effectif. Mais cela ne représente qu’une partie infime du trafic aérien.

Pour répondre aux impératifs écologiques de décarbonation, la seule solution réaliste est la réduction drastique du trafic aérien. Une réduction qui pourra passer par des mesures économiques (taxes sur le kérosène) et réglementaires (limitation du nombre de déplacements, quota annuel de voyages en avion, interdiction des jets privés…). Cette réduction pourra alors bénéficier au train. Mais il ne faudra pas attendre qu’il offre les mêmes possibilités de voyage que l’avion. Ce serait donc une contrainte très forte sur les mobilités touristiques. 

Conversation avec LOU HÉLIOT

 

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