« Litanie de villes dans une voix de haut-parleur, dès qu’on se désamarre du quai, et les rituels qu’on a chacun dans le train familier : poser le sac et les vêtements, garder à portée de main les journaux ou magazines. Qu’on ait la bougeotte ou qu’on reste cloîtré sous ses écouteurs, qu’on s’endorme ou qu’on grignote et voilà : on est dans cet œuf où il n’y a plus que soi-même. Et c’est là que tout commence : parce qu’on n’a plus d’armure, tout le dehors devient merveille.

Le train nous offre le monde à profusion, villes et villages, travaux des champs et tâches des usines et pourtant : dans le train, front contre la vitre. On regarde. Et plus on cherche à regarder, plus il y a à voir.

Un train passe sur un pont, part à l’oblique. Des vitres éclairées, rectangulaires, en jaune. Des silhouettes chacune rassemblées sur elles-mêmes. C’est inaccessible. Cela s’en va. La vie des autres est un mystère, alors, ce mystère, on veut y prétendre pour sa vie à soi. Le mystère des autres est le cadeau qu’on vous fait de votre propre mystère. Le train fascine parce que le mystère de la vie devient inaccessible, mais présent. À chaque changement du bruit c’est votre propre secret qui passe. »

tierslivre.net © François Bon, 2003

 

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