Il y a quelque chose de pourri au royaume des mers. Comme un parfum de mort, qui flotte au-dessus des immenses navires de la pêche industrielle. Depuis plusieurs années, des alertes sont lancées sur les ravages commis par ces géants, loin des regards du grand public. L’arrestation spectaculaire de Paul Watson, l’infatigable défenseur des baleines, le 21 juillet dernier, a rappelé la difficulté de lutter contre ces mafias des mers, soutenues par des gouvernements complices. Dans l’entretien qu’elle nous a accordé, Claire Nouvian évoque même une « omerta » servie par de puissants lobbies, contre lesquels son association Bloom tente de lutter en multipliant les rapports d’enquête. Et ses filets sont lourds des dégâts constatés : les grands chalutiers raclent le fond des océans, détruisent la biodiversité marine, épuisent les ressources halieutiques et aggravent le réchauffement climatique. Les campagnes menées pour prélever les petits poissons – qui, réduits en farine, nourriront nos saumons d’élevage – affament l’Afrique. Quant aux hommes qui besognent à bord de ces vaisseaux, ou aux femmes dans les usines de traitement sur le rivage, beaucoup sont brutalisés, martyrisés, réduits à une forme de quasi-esclavage, comme le montrent les enquêtes de Ian Urbina auprès des minorités ouïghoures ou des travailleurs nord-coréens. Un tableau apocalyptique, à l’heure où la demande mondiale en poisson n’a jamais été aussi forte, surfant sur son image de source de protéines saines, volontiers bénéfiques pour la santé.

Que faire, alors, pour lutter contre de tels scandales ? Ce numéro du 1 offre quelques pistes individuelles pour adapter sa consommation et privilégier les produits de la pêche artisanale. Mais les leviers les plus puissants sont ailleurs. L’organisation de la Journée mondiale de la mer, le 26 septembre, devrait être l’occasion de sensibiliser gouvernements et populations aux enjeux de l’or bleu. La France se targue même de profiter de l’événement pour lancer l’« Année de la mer », une série de rendez-vous populaires menant à la troisième conférence des Nations unies pour l’océan, qui se tiendra à Nice en juin prochain. Emmanuel Macron a déjà affirmé vouloir en faire un moment charnière pour la protection des mers, comme la COP21 le fut pour le climat : harmonisation du droit international, mise en place d’indicateurs de santé pour l’acidification ou la montée des eaux, moratoire sur l’exploitation des grands fonds marins ou encore limitation de la pollution plastique… Autant d’ambitions louables, mais qui demandent à être traduites par des actes – y compris en France où la pêche industrielle reste à bon port. Les poissons sont tout ouïes. 

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