Depuis la première édition des Francofolies, en 1985, il y a toujours eu la volonté chez Jean-Louis Foulquier puis Gérard Pont de présenter sur scène des artistes émergents. De fait, au fil des années, de nombreux talents ont été découverts à La Rochelle, et bien d’autres ont fait de leur passage aux Francos un moment important de leur carrière. De là est née l’envie de les accompagner, de leur donner des outils pour organiser leurs concerts, travailler leur entrée, leur sortie, l’enchaînement des titres ou la disposition sur scène. Aucune école de ce type n’existait, aucune formation ne proposait une pédagogie propre aux musiques actuelles ! C’est ainsi qu’est né le Chantier des Francos, il y a vingt-cinq ans, pour combler ce vide et favoriser l’émergence de nouveaux artistes.

Le but du Chantier n’est d’ailleurs pas de formater les artistes, de les faire entrer dans un moule, mais au contraire de leur permettre d’apparaître sur scène tels qu’ils le désirent.

De nombreuses stars aujourd’hui reconnues sont passées par là : Suzane, Hoshi, Feu ! Chatterton, Lomepal, Pomme, Juliette Armanet, Aloïse Sauvage… Ce qui les a rassemblés, par-delà leurs différences musicales, c’est le besoin d’un regard extérieur objectif sur leurs prestations scéniques. Un avis professionnel, bienveillant mais lucide, sans autre intérêt que celui de leur permettre de mieux s’exprimer. Le but du Chantier n’est d’ailleurs pas de formater les artistes, de les faire entrer dans un moule, mais au contraire de leur permettre d’apparaître sur scène tels qu’ils le désirent. Cela passe par des exercices de chant, de techniques de corps, de maîtrise de logiciels pour certains. Mais cela tient surtout à l’observation et à l’échange autour de ce que l’artiste veut faire, de l’univers qu’il veut proposer. Quel type d’émotions veux-tu provoquer ? Est-ce bien cette énergie-là que tu souhaites insuffler ? C’est aux artistes de répondre à ces questions. Charge ensuite à nos intervenants, spécialisés dans différents types de musique, de proposer des conseils pour y arriver, de repérer les points forts à encourager et les points faibles à travailler. Cela passe par des résidences d’écriture à La Rochelle et des sessions de travail intensif au Chantier, avec trois artistes en simultané et une équipe de cinq contributeurs, dont d’anciens du Chantier comme Rover ou Laurent Lamarca. Notre souhait est donc de proposer des parcours adaptés à l’histoire de chacun sur plusieurs années – certains vont avoir besoin, à un moment, d’endroits plus grands et iront vers de nouvelles scènes, quand d’autres reviendront au milieu d’une tournée pour travailler telle composition ou tel filage.

Chaque année, nous recevons six cents candidatures pour une quinzaine d’élus chez qui on essaie de déceler un potentiel scénique, une envie de s’exprimer et de se déployer par la scène que nous jugeons utile d’accompagner. Certains, comme Bigflo et Oli ou Christine and the Queens, sont arrivés au Chantier en sachant déjà très bien qui ils étaient et ce qu’ils souhaitaient proposer sur scène. D’autres, comme Therapie Taxi, témoignaient d’une énergie folle, mais tout était encore à construire, à structurer. Il y a une vraie émotion de voir ce qui n’était encore qu’une esquisse quelques années auparavant aboutir à un spectacle admirable. Leur chanteuse, Adé, est une artiste qui a vraiment bossé pour être ce qu’elle est sur scène aujourd’hui, pour se fier à sa générosité et à ses élans.

Une fois sortis du Chantier, il ne reste plus aux artistes qu’à être baptisés sur la grande scène du festival. 

Le Chantier des Francofolies s’appelle ainsi parce qu’il est installé dans un ancien chantier de fabrication et réparation de bateaux posé sur le chenal de La Rochelle. Il est à deux pas de l’esplanade Saint-Jean-d’Acre, où va battre le cœur brûlant du festival. Mais il se trouve aussi face à l’océan et ses embruns, propices à l’éveil de l’esprit et du corps. Une fois sortis du Chantier, il ne reste plus aux artistes qu’à être baptisés sur la grande scène du festival. D’ailleurs, c’est Adé qui y ouvrira le bal, le 12 juillet… 

 

Conversation avec JULIEN BISSON

 

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