Wystan Hugh Auden - Horae Canonicae
Temps de lecture : 2 minutes
Pas besoin d’entendre les ordres qu’il donne
pour savoir si quelqu’un a l’autorité,
il vous suffit de regarder sa bouche :
quand un général en train de faire un siège
voit la brèche qu’ouvrent ses troupes dans le mur d’une ville,
quand un bactériologiste
comprend en un éclair ce qui ne marchait pas
dans son hypothèse, quand,
d’un seul coup d’œil au jury, le procureur
sait que l’accusé va être pendu,
leurs lèvres et les lignes qui sont autour
se relâchent, prennent une expression
qui n’est pas de simple plaisir à faire
leurs douces quatre volontés, mais aussi de satisfaction
d’être dans le vrai, d’incarner
Fortitudo, Justicia, Nous.
Vous pouvez ne pas les aimer beaucoup
(Qui le fait ?), mais nous leur devons
basiliques, divas,
dictionnaires, poésie pastorale,
les courtoisies de la cité :
sans ces bouches judiciaires
(qui pour la plupart appartiennent
à de très grandes fripouilles),
combien serait sordide l’existence,
attachée à vie à quelque village de huttes,
redoutant le serpent local
ou le local démon du gué,
parlant le patois local
de quelque trois cents mots
(pensez aux querelles de famille et aux
plumes empoisonnées, pensez à la consanguinité),
et, ce midi, il n’y aurait pas une autorité
pour ordonner cette mort.
Horae Canonicae, traduit de l’anglais par Bernard Pautrat, Rivages poche, 2006
Horae Canonicae consiste en sept poèmes qui correspondent aux offices monacaux. Du réveil à l’aube suivante, une méditation sur ce qu’est une journée ordinaire, en écho au Vendredi saint de la Passion. Les vers ci-dessus sont extraits de « Sexte ». Il est midi, l’heure de la crucifixion. Nous sommes au cœur d’une journée de travail, de vie dans la cité. W.H. Auden a soutenu les mouvements progressistes des années 1930 avant de renier ses poèmes militants. En 1940, il renoue avec la foi anglicane, sans perdre son anticonformisme ni son humour. Voici qu’il se confronte à ceux qui représentent l’autorité. Sans ellipse, avec clarté, une suite de distiques badins pour une subtile réflexion morale à partir de trois exemples – un général, un bactériologiste, un juge – bientôt confondus en des bouches qui commandent. Sûrs de leur droit, ils incarnent les vertus classiques de force, justice et intelligence et sont à l’origine de nos plaisirs sociaux. Ce sont pourtant de telles fripouilles qui ont ordonné la mort du Christ. « Car sans le ciment d’un sang (et il le faut humain, il le faut innocent) il n’est pas de mur séculier qui soit sûr de tenir debout. » À nous individus de reconnaître notre responsabilité dans ce sacrifice, et de choisir d’aimer notre tordu de voisin, avec notre cœur tordu.
« Les déviants politiques sont nécessaires. »
Michel Rocard
Dans la crise du politique que nous vivons, les dirigeants ont singulièrement perdu en leadership. Pourquoi cette perte de crédibilité ? Peuvent-ils la retrouver ?
Commençons par réfléchir sur la bizarrerie du concept de…
La spirale du discrédit
Christian Salmon
Dans son célèbre article des lucioles de 1975, Pasolini parlait du discrédit qui frappait la classe politique italienne en ces termes : « Ils n’ont en rien soupçonné que le pouvoir réel agit sans eux et ils n’ont entre les mains qu&…
Girouettes
Robert Solé
Accusé d’opportunisme, le regretté Edgar Faure avait joliment zozoté : « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. » Au-delà de l’humour et du cynisme, ce pilier de la IVe République, …
La coupe est pleine
Ollivier Pourriol
– C’est le désert. Imagine... Alexandre le Grand avec ses cavaliers à la poursuite du grand Darius, roi des Perses. Emporté par son élan, il manque d’eau. Après onze jours, la soif est terrible. Le découragement gagne. Une fois enco…