Le vote en faveur de Marine Le Pen exprime une immense colère. La colère des oubliés de la désindustrialisation du Nord et de l’Est du pays. La colère des ruraux, des habitants de ces petites villes qu’on appelait autrefois des bourgs ou des villages. La colère des électeurs de la région PACA qui trouvent qu’il y a décidément trop d’étrangers « chez eux ». La colère de ceux qui n’en peuvent plus de Pôle emploi, des taxes en tout genre, de l’administration et d’une technocratie jargonnante. La colère de ceux qui collectionnent les colères et qui craquent. La colère de ceux qui cherchent la sortie et aperçoivent, au bout du tunnel, le nom de Marine Le Pen en lettres d’espoir.

La grande force du Front national est précisément de savoir capter ces passions tristes et de les attiser. Marine Le Pen s’adresse au peuple. Elle lui parle de la France d’autrefois et elle explique avec aplomb qu’elle sait comment on peut y revenir. Elle parle simplement et propose des recettes simplettes. Sortir de l’euro. Sortir de l’Union européenne. Sortir les étrangers. Et puis elle invoque l’État, la protection de la puissance publique. Elle tient un discours social de gauche, et cela marche !

Le grand art de Marine Le Pen consiste bien à fédérer les colères. Je ne suis plus si sûr de donner raison au moraliste Cioran (1911-1995), qui définit cette réaction comme « une souillure de l’âme ». À titre individuel, sans doute. Sur le plan collectif, c’est plutôt de la dynamite. 

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