Dans une paisible rue du XVe arrondissement, l’institut Pasteur trône depuis cent trente ans, vénérable centre d’une recherche médicale toujours en pointe. Le professeur Pierre-Marie Lledo nous accueille au département de neuroscience, qu’il dirige (il est aussi le directeur de l’unité « Perception et mémoire » et du laboratoire du CNRS « Gènes, synapses et cognition »). Dans ce bâtiment moderne, quelques éléments de décoration et la lumière qui entre à flots par les baies vitrées apportent une touche de beauté : la science qu’on fait ici est en prise avec la vie. « Si Pasteur était des nôtres aujourd’hui, il s’intéresserait à la neuroscience et à la psychiatrie », ne craint pas d’affirmer le neurobiologiste. « Sur cent personnes entre 18 et 65 ans que vous croisez dans la rue, on sait que dix sont atteintes de maladies neurologiques et vingt de troubles psychiatriques. C’est le premier poste de dépenses en matière de santé publique, bien plus que le cancer et les maladies cardio-vasculaires. » Précédé d’une réputation de « neuroptimiste » – il répète à longueur de livres et de conférences que le cerveau, du moins certaines de ses régions, se régénère tout au long de la vie –, Pierre-Marie Lledo n’en est pas moins lucide sur les pathologies créées par notre mode de vie. « Ce sont des maladies sociétales. Prenez l’infobésité : nous sommes bombardés d’informations que nous ne sommes pas en mesure de traiter. Or savoir sans pouvoir agir est une source d’anxiété. Notre cerveau est fait pour l’action. » À l’ère de la communication envahissante, cet organe est soumis à des sollicitations incessantes qui l’épuisent : « Un cerveau normal peut gérer dix interruptions par heure, quinze pour les plus zen d’entre nous. Or, dans une journée de travail ordi

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