Les débats de la campagne présidentielle ont traité des sujets du passé, sans aborder le seul sujet crucial au XXIe siècle : que devient notre cerveau face à l’intelligence artificielle (IA) quasi gratuite ? Parler du quotient intellectuel (QI) est scandaleux en France. Un QI élevé sera pourtant la principale défense de nos concitoyens dans le monde de demain. La montée en puissance des pays asiatiques dans le classement PISA des systèmes scolaires doit nous alerter : la première guerre cérébrale, entre Asie et Occident, a été perdue. Le QI moyen à Singapour et à Hongkong est de 108, soit 10 points au-dessus de celui constaté en France (98). Il est illusoire, voire délirant, de penser que les Français auront un avantage dans la compétition mondiale avec des capacités intellectuelles inférieures à celles des Asiatiques.

Mais le pire est à venir : la deuxième guerre des cerveaux commence, cette fois-ci entre les cerveaux de silicium et les cerveaux biologiques. L’objectif premier du système éducatif et de formation professionnelle doit être de rendre nos enfants, et nous-mêmes, complémentaires de l’intelligence artificielle. La complémentarité entre le transistor et le neurone ne concernera malheureusement que les meilleurs cerveaux, dotés d’un haut QI. En effet, le QI est un bon indicateur de notre capacité associative, de notre transversalité, de notre plasticité cérébrale et de notre adaptation à un monde changeant qui constituent justement notre grande supériorité face à l’IA. Il est irréaliste d’envisager une interdiction mondiale de l’IA, qui va continuer à se développer dans tous les domaines. Il va donc falloir se battre et réaliser que seul un QI élevé protège contre le remplacement par l’IA.

Une question politique grave se pose : comment gérer une société dans laquelle un point de QI supplémentaire donne un avantage de plus en plus grand ? Le sujet n’est pas politiquement correct : dans la société de la connaissance, 1 million de citoyens dotés de 100 de QI pèsent moins lourd, hélas ! qu’un petit génie ayant 160 de QI. Les différences de QI constituent la plus grande injustice, et la source de toutes les inégalités. Il y a quinze ans de différence d’espérance de vie entre les hauts et les bas QI, d’énormes écarts de revenu et de maîtrise de la culture. Oui, il serait logique de mesurer les écarts de QI, non pour stigmatiser qui que ce soit, mais pour lutter contre cette ultime injustice. Les déterminants du QI sont connus : si la part génétique n’est pas manipulable à court terme, on peut par contre jouer sur les dimensions nutritionnelle, environnementale et scolaire. Limiter le tabac, l’alcool, le haschich, les graisses saturées, les sucres rapides, l’obésité, les somnifères, les perturbateurs endocriniens et les polluants atmosphériques – dont le diesel –, faire du sport et de l’exercice intellectuel, lire dès le plus jeune âge, être bilingue, développer sa curiosité, voyager, débattre en famille, s’engager et faire de la politique, manger des fruits, des légumes et du poisson, personnaliser l’enseignement et avoir des enseignants respectés : tout cela augmente le QI ! 

Demain, avec 9 milliards d’êtres humains et une IA prodigieusement puissante, la compétition va être féroce : la mesure du QI est cruciale pour piloter la montée en puissance de nos cerveaux biologiques. La politique de l’autruche revient à abandonner les plus vulnérables, sans le reconnaître. La seule vraie politique sociale au XXIe siècle est d’augmenter le QI de la population en commençant par les gens les moins favorisés. Nous avons bâti une économie de la connaissance, sans réaliser que nous allions donner un avantage immense aux gens maîtrisant les données, dotés d’une plasticité cérébrale leur permettant de changer régulièrement de métiers et de se former leur vie durant : toutes qualités qui sont mesurées par le QI. 

Intellectuels, innovateurs, start-uppers, managers, scientifiques, élites mondialisées, nous évoluons comme un poisson dans l’eau dans cette société qui vient. Nous vivons la période la plus enthousiasmante, exaltante, fascinante, vertigineuse que l’Humanité ait connue, l’âge d’or pour entreprendre, innover, réfléchir. Mais le tsunami de l’intelligence artificielle risque aussi d’être la plus incroyable machine de tous les temps à fabriquer du populisme : la disqualification des classes populaires mal formées est quasi inéluctable, sauf à rénover radicalement le système éducatif et de formation. Il faut lancer la bataille du QI, qu’il faudrait rebaptiser QCIA, le quotient de complémentarité avec l’intelligence artificielle, pour lui ôter son caractère stigmatisant. Dans le futur, le QI minimum pour avoir un emploi va augmenter décennie après décennie : il faut d’urgence entamer la modernisation de l’école, pour permettre aux enfants de rester compétitifs face à l’IA. L’école envoie les enfants des classes populaires là où l’IA va les laminer et ignore les formations où ils seraient complémentaires et donc protégés. Il faut, au contraire, cartographier la frontière technologique pour adapter en temps réel le système éducatif aux progrès de l’IA et agir sur tous les leviers permettant d’augmenter le QI de la population, puisque la quasi-totalité des inégalités seront liées aux capacités cognitives. En réalité, le tabou du QI traduit le désir inconscient et indicible des élites intellectuelles de garder le monopole de l’intelligence, ce qui est politiquement et moralement inacceptable. 

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