Un passé qui ne passe pas
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Les comparaisons avec la barbarie nazie sont périlleuses. Mais l’émotion suscitée par les déclarations de Jean-Michel Aphatie sur des centaines d’Oradour-sur-Glane en Algérie en dit long sur la blessure coloniale toujours à vif dans la société française. L’ancien chroniqueur de RTL a seulement rappelé les atrocités parfaitement documentées de la conquête de l’Algérie entre 1830 et 1850, que l’on pourrait résumer d’une phrase prononcée par le gouverneur général Bugeaud : « Si ces gredins se retirent dans les cavernes, fumez-les à outrance comme des renards. » Les historiens estiment que cette entreprise de terreur a entraîné, entre 1830 et 1870, une surmortalité de 825 000 décès (dont 750 000 hors combats) sur une population d’un peu plus de 3 millions d’habitants !
Comment expliquer que, deux siècles après, la référence à ces exactions reste insupportable pour certains ? Pourquoi, six décennies après la dislocation de l’Empire français, notre passé colonial ne passe-t-il toujours pas ? Allons plus loin, la France serait-elle encore un pays colonial ? C’est la question que nous posons dans ce numéro du 1 hebdo, loin des polémiques à visée présidentielle – le bras de fer avec l’Algérie semblant être devenu un exercice obligé à droite.
À la question posée, la plupart des spécialistes se sont empressés de répondre : « Non, la France n’est plus un pays colonial, mais… » Ces « mais » en cascade nourrissent notre numéro. Mais… les Antilles sont toujours marquées par des inégalités massives héritées de l’esclavage et de l’économie de la plantation. Mais… dans l’Hexagone, la moitié des immigrants venus des anciennes colonies subissent un surcroît de discriminations attribuable à un héritage post-colonial. Mais… sur le continent africain, les fantômes coloniaux continuent de hanter les relations avec l’ancienne métropole alors que la Françafrique n’est plus que peau de chagrin.
D’où vient cette fixation sur notre passé colonial ? L’historien Pierre Singaravélou ouvre des pistes en comparant les expériences française et britannique : des colonisations somme toute assez proches ; des décolonisations plus violentes côté français ; des difficultés rencontrées par les populations immigrées comparables ; mais un imaginaire colonial purgé d’un côté (un ex-Premier ministre, Rishi Sunak, originaire du Penjab), un passif toujours actuel de l’autre (par exemple la question de la dette haïtienne, vieille de deux cents ans). « La France gagnerait à regarder son passé colonial bien en face », estime l’écrivain sénégalais Elgas. Le propre du refoulé, c’est qu’il revient sans cesse toquer à la porte.
« Une histoire commune reste à écrire avec les anciens colonisés »
Pierre Singaravélou
L’historien Pierre Singaravélou fait le point sur les spécificités du modèle colonial français, en le comparant notamment avec le système britannique, et nous aide à comprendre comment l’imaginaire lié à cette histoire pèse encore lourdement dans le pays.
[Colonialité]
Robert Solé
– ARRÊTEZ avec cette histoire de colonialisme ! Tous les pays de notre ex-empire sont devenus des États souverains. Et, que je sache, les territoires d’outre-mer ont choisi de rester français...
La vie chère aux Antilles, « un héritage colonial »
Sébastien Mathouraparsad
L’économiste Sébastien Mathouraparsad montre comment la situation économique en Martinique et en Guadeloupe, avec des prix des denrées alimentaires 40 % plus élevés que dans l’Hexagone, est une conséquence des politiques mises en place par Richelieu et Colbert, mais aussi de l’indemnisation très …