Notre environnement change. Quelle banalité ! Pourtant aucune décision courageuse n’est prise pour s’y adapter et donner une chance à notre économie. Ce ne sont pas les solutions qui manquent, c’est la définition des priorités et la volonté de les mettre en œuvre.

Certes, le coût du travail est un frein et, si les mesures engagées par le gouvernement vont dans le bon sens, elles ne traiteront que les conséquences d’un mal beaucoup plus profond : l’extrême rigidité du marché de l’emploi. C’est à elle qu’il faut s’attaquer.

À trop vouloir protéger les salariés, on les a précarisés. Insidieusement, on a généré des populations qui s’affrontent avec des armes inégales sur le terrain de l’emploi. D’un côté, des heureux protégés par les organisations syndicales de moins en moins nombreux. De l’autre, des intermittents abonnés aux contrats d’intérim ou à durée déterminée dont le nombre ne cesse d’augmenter. 

Comme souvent, les dispositions prises en leur temps pour définir les conditions de recours au travail précaire avaient du sens : remplacer un salarié absent ; faire face à une charge de travail exceptionnelle, limitée dans la durée. Simple et de bon sens… Sauf que bon nombre d’entreprises sont désormais contraintes de se tourner vers ce type de contrats en priorité, pour d’autres raisons que celles prévues, afin de sauvegarder leur compétitivité future.

Il est loin le temps où l’économie, l’activité de l’entreprise reposaient sur des facteurs stables et prévisibles. Nous sommes dans un monde où tout va plus vite, où l’incertitude domine, où les positions sur un marché peuvent être remises en cause brutalement. Être flexible, capable d’adapter ses capacités de production ou ses ressources humaines, est indispensable à l’entreprise. Mais de flexibilité, l’entreprise en manque cruellement dès qu’il s’agit de ses emplois en contrat à durée indéterminée.

Face à des variations d’activité très fortes (plus ou moins 40 % selon les mois), à un marché erratique et difficilement prévisible, la question de la nature du contrat de travail proposé est récurrente. Souvent le choix d’un contrat précaire s’impose. Décision normale quand il s’agit de renforcer nos équipes pour une période de forte activité que l’on sait temporaire. Mais c’est incontestablement un biais dans l’utilisation du CDD quand il s’agit d’une mesure conservatoire, dans l’attente de la validation de nos hypothèses de croissance.

Pour éviter cette situation, il faudrait pouvoir aisément ajuster les effectifs. Quand supprimer plus de 10 postes en CDI au sein de l’entreprise suffit pour déclencher un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), on comprend mieux pourquoi le recours au travail précaire ne cesse de se développer. Comme beaucoup de dirigeants, j’ai malheureusement été confronté à cette situation. Au-delà des conséquences sociales douloureuses, la mise en œuvre d’un tel plan est longue, coûteuse, exclusive en matière d’énergie consacrée, au détriment des enjeux de business. Des effets inattendus peuvent surgir. Un plan social recouvre des postes et non des personnes. Mais concrètement, tous les salariés ayant une qualification équivalente dans l’entreprise sont concernés par le plan. Par exemple, la décision de supprimer des postes de techniciens dans nos centres de pose (pour cause d’activité trop faible) touchera aussi des préparateurs de commandes sur les sites de distribution. Pourquoi ? Parce que ces derniers peuvent, avec des formations, accéder à la fonction de technicien. Une situation parfaite en théorie, mais un cauchemar pour l’entreprise : des salariés dans l’incertitude, des organisations bloquées, des discussions sans fin avec les partenaires sociaux et le temps qui passe… affaiblissant encore l’entreprise.

Une telle protection des emplois à durée indéterminée a des conséquences dramatiques : frilosité des entreprises à recruter, à prendre des risques, recours au travail précaire, paupérisation des emplois, baisse de la mobilité professionnelle, stagnation des rémunérations, chômage de longue durée, absence de perspectives pour les jeunes, pessimisme et peur de l’accident professionnel.

Il est urgent de s’engager dans une autre voie, qui corresponde enfin au monde dans lequel nous vivons. Notre droit du travail, à force d’aménagements successifs, n’est pas seulement illisible, il est inadapté et source de blocage pour le redémarrage de notre économie.

Allons vers la simplification, vers ce contrat unique que certains appellent de leurs vœux, libérons le marché du travail pour que l’on puisse passer d’une entreprise à l’autre sans angoisse et que celles-ci, en confiance, puissent s’engager dans leurs projets.

C’est à cette condition que notre économie retrouvera une certaine dynamique et que le travail précaire sera de nouveau à sa juste place. Un moyen, ponctuel, pour faire face à une situation exceptionnelle. Vaste chantier, mais si essentiel. 

Vous avez aimé ? Partagez-le !