De Jules Romains, on se rappelle la pièce de théâtre Knock ou la suite romanesque Les Hommes de bonne volonté. Mais l’écrivain fut aussi un intellectuel capital. En 1915, il prépare des articles pour la presse américaine comparant la guerre qui agite son continent à une « guerre de Sécession ». En plein combat, il appelle à une Europe unifiée ! 

 

Nous avons cru en trop de choses,

Nous, les hommes de peu de foi ;

Nous avons espéré trop loin,

Nous, les hommes de peu d’espoir.

 

Je dis que nous avons menti

Comme un oiseau de cimetière

Qu’un voyageur entend chanter 

Sur des tombes qu’il ne voit pas.

 

L’univers n’a rien de commun

Avec la strophe d’un poète ;

Il n’est ni père ni parent

Du vers qui grandit sous ma main. […]

 

Le monde est une explosion

Qui reprend et qui rebondit ;

Il ressemble à l’obus qui fuse,

À la grenade qui éclate ;

 

Il a pour signe un crachement

De terre, de fonte, de balles,

Et la montée d’une fumée

Irrespirable hors d’un trou.

 

Je dis que leur joie n’est pas vaine

Ni leur orgueil sans fondement

À tous les servants de canons

Et tous les fouisseurs de mines ;

 

Car c’est bien eux qui font le signe

Véridique de l’univers.

 

© Europe, Gallimard, 1916

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