Un été indien
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Le regard vissé sur les exploits olympiques, on avait abandonné l’Amérique au bord du gouffre. Le débat désastreux de Joe Biden, le 27 juin dernier, face à Donald Trump, semblait sceller les derniers espoirs démocrates. Le président faisait trop bien son âge pour croire à un second mandat. Et la tentative d’assassinat contre le candidat républicain, deux semaines plus tard, avait fini de propulser Trump en martyr national, le visage ensanglanté et le poing levé face à la bannière étoilée. On tenait là l’image de la victoire, un cliché pour l’éternité.
Six semaines plus tard, le paysage politique a changé. Pressé par les cadres du Parti démocrate, Joe Biden a mis fin à l’agonie de sa candidature en orchestrant son retrait le 21 juillet, laissant la place à sa vice-présidente Kamala Harris. En quelques jours, celle-ci a su faire l’unanimité autour de son nom, suscitant un élan aussi inattendu qu’exaltant au sein de son propre camp. Souvent moquée, voire méprisée, l’ancienne procureure incarne aujourd’hui une certaine idée du rêve américain, celui d’une fille d’immigrés devenue la première femme de couleur aux portes de la Maison-Blanche. Loin de la solennité parfois lugubre de Biden, elle offre surtout au pays un miroir plus jeune, plus joyeux, davantage à l’image, aussi, de sa diversité. Et si la comparaison avec le triomphe de Barack Obama, en 2008, a ses limites, la candidate assume de marcher dans ses pas en plaçant sa campagne sous l’égide du mot forward, « en avant », à l’opposé de la nostalgie passéiste des républicains.
Il faudra pour Kamala Harris faire la preuve qu’elle est capable de toucher le cœur de l’Amérique
L’élection est-elle jouée pour autant ? Non, évidemment, et ce numéro du 1 hebdo est là pour le rappeler. Il reste encore deux mois de campagne, et si Kamala Harris peut espérer surfer sur la vague d’optimisme actuelle, il en faudra davantage pour noyer les derniers espoirs de Donald Trump de retourner à la Maison-Blanche. L’ancien président est aujourd’hui plus haut dans les sondages qu’il ne l’était en 2016 ou en 2020, et le scrutin se jouera, comme toujours, dans quelques États clés où les résultats s’annoncent encore très serrés. Surtout, il faudra pour Kamala Harris faire la preuve qu’elle est capable de toucher le cœur de l’Amérique, de résister à la pression d’une campagne acharnée pour porter haut une vision, un projet. En préambule de ses mémoires, l’ancienne sénatrice de Californie rappelait que son prénom signifie « lotus » en hindi, une plante dont la fleur s’élève « au-dessus de la surface tandis que ses racines s’implantent vigoureusement au fond de la rivière ». Tel est le défi qui s’offre à elle aujourd’hui : parvenir à ancrer l’espoir au-delà des promesses d’août, pour oser rêver en novembre d’un été indien.
« Beaucoup d’électeurs se demandent encore qui elle est vraiment »
Corentin Sellin
Revenant sur le caractère exceptionnel de cette campagne présidentielle américaine tout en le nuançant, l’historien analyse les défis auxquels, malgré le vent de popularité dont elle bénéficie, la candidate démocrate devra faire face.
[FGOTUS]
Robert Solé
L’Amérique n’a jamais connu de Premier Gentleman. Bill Clinton aurait pu inaugurer la fonction si son épouse Hillary avait accédé à la Maison-Blanche en 2016.
Les républicains à l’heure des choix
Ian Ward
Un entretien avec le journaliste Ian Ward sur la situation du Parti républicain.