Août 2021 : de nuit, un long véhicule noir décoré d’un motif doré glisse lentement sur des rails. La barque solaire de Khéops, qu’il transporte, vient de quitter le bâtiment obsolète qui l’abritait depuis plus de soixante-sept ans au pied de sa pyramide. Découvert en pièces détachées, mais intact, ce vaisseau de cèdre, avec ses cordages et sa cabine, favorisait le périple du roi vers l’outre-monde. Il a désormais rejoint le Grand Musée Égyptien (surnommé GEM, selon ses initiales anglaises) où il a enfin trouvé un environnement approprié à sa conservation et digne de l’exposer.

À deux kilomètres à l’ouest du plateau de Gizeh, dans la banlieue du Caire, se déploie en effet un gigantesque chantier, tel un éventail à demi ouvert de 500 mètres de long, dont les lignes de fuite tendent vers chacune des trois pyramides les plus célèbres d’Égypte.

En cours d’achèvement, pour un coût de plus de 1,2 milliard de dollars, le GEM devrait être inauguré en novembre 2022 – mais aucune date n’est encore avancée –, son ouverture ayant été plusieurs fois repoussée, notamment à cause du Covid. Cet événement très attendu commémorerait par la même occasion le centenaire de la découverte de la tombe de Toutankhamon. Pour la première fois en effet, la quasi-totalité des 5 398 objets de ce trésor funéraire sera exposée dans une galerie dédiée.

Conçu par le cabinet d’architectes Heneghan Peng en 2003, le bâtiment de béton, de verre et d’acier, formé d’un triangle chanfreiné en plan rappelant le motif iconique de l’Égypte ancienne, a déjà dévoilé ses murs nord et sud alignés sur les pyramides. Sa façade avant joue quant à elle avec les effets translucides de la calcite.

À terme, le GEM s’étendra sur 490 000 mètres carrés, avec ses jardins, fontaines et espaces culturels, devenant ainsi le plus grand musée au monde dévolu à une seule civilisation. 100 000 artefacts y seront accueillis, dont la moitié en exposition permanente.

Dès l’atrium, le ton est donné avec l’installation d’une statue colossale de Ramsès II. Symbole on ne peut plus éloquent que ce monument de 83 tonnes et de 11 mètres de haut, érigé au xiiie siècle avant notre ère et représentant l’archétype du pharaon, désormais « gardien du plus grand musée du monde, comme il le faisait dans l’Antiquité au grand temple de Ptah à Memphis », selon le ministre du Tourisme et des Antiquités Khaled Al-Anany.

L’escalier monumental sera le point focal du musée. On y jouira d’une vue panoramique sur les pyramides, intégrées dans le parcours muséographique. Chaque marche va recevoir un monument, échelonné de manière chronologique. En provenance du Musée égyptien de la place Tahrir ou de celui de Louxor, des statues formeront l’ensemble voué à « la sphère royale ». Autres thématiques choisies pour le grand escalier : « Les lieux de culte », une zone où seront exposées colonnes et portes issues des temples pharaoniques, « Le roi et sa relation avec les dieux », à travers des statues de dyades ou de triades colossales, ou encore « les sarcophages royaux ». Autant de pièces précieuses que de défis pour les déplacer puis les exposer, chacune pesant entre 2 et 22 tonnes.

Transférer, mettre en valeur, mais aussi restaurer ces collections fragiles et inestimables : c’est désormais chose faite dans l’une des installations les plus remarquables du GEM, le « Centre de restauration des antiquités », qui couvre 37 000 mètres carrés. Ce véritable labyrinthe en sous-sol abrite, derrière ses portes blindées, réserves et laboratoires high-tech, chacun étant spécialisé dans un domaine précis – pierre, verre, bois, produits organiques ou non, momies – ou dévolu à la recherche. 

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