Il y a de bons passeports africains… et de moins bons. Un citoyen des Seychelles, par exemple, peut entrer sans visa dans 155 pays, alors qu’un Somalien, un Érythréen ou un Soudanais n’est dispensé du précieux sésame que dans une quarantaine de destinations, et rarement les plus recherchées. La libre circulation de la plupart des Africains est loin d’être acquise, même sur leur propre continent. Celui-ci est traversé de 80 000 kilomètres de frontières, issues pour la plupart de partages coloniaux. Après les indépendances, il a été sagement décidé de ne pas y toucher. Ceux qui ont enfreint la règle, au Biafra ou ailleurs, ont provoqué des hécatombes.

Maintenir les frontières de 54 États n’empêche pas de faciliter leur franchissement. En juillet 2016, l’Union africaine a promis un passeport unique à tous les habitants, avec d’excellents arguments : favoriser le commerce, le tourisme, la mobilité de la main-d’œuvre et le transfert de compétences, stimuler la création artistique et renforcer l’identité africaine.

Tout a été fixé, jusqu’à la couleur du passeport et le nombre de ses pages. Tout, sauf la date de son entrée en vigueur. On sait seulement que c’est l’un des objectifs phares de « l’agenda 2063 », année qui marquera le centième anniversaire de l’Union africaine. En 2063, selon les prévisions, la population du continent aura doublé. Mais sera-t-il nécessaire d’imprimer 2,7 milliards de passeports, alors que le papier aura été balayé par de nouvelles technologies ? La reconnaissance faciale permettra d’aller et de venir sans même présenter un document de voyage. On franchira allègrement les frontières qui ne seront plus que des pointillés sur la carte. Au nom de quel afropessimisme serait-il interdit de rêver ? 

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