Tout à coup, un soir, les câlins de votre chat bien-aimé vous donnent de l’urticaire ; une simple balade en forêt tourne à l’agression nasale ; quand ce ne sont pas les cacahuètes de l’apéritif qui manquent de vous étouffer, avec pronostic vital engagé. Bienvenue dans l’univers des allergies, une épidémie silencieuse qui peut frapper à tout âge. D’après l’OMS, elle est la quatrième maladie chronique la plus répandue dans l’espèce humaine, après les cancers, le sida et les maladies cardiovasculaires. Les chiffres de l’Inserm pour la France donnent le vertige : de quelques pourcents de la population dans les années 1960, le nombre d’allergiques a bondi à plus de 25 % aujourd’hui, et rien n’indique que la courbe doive s’aplanir.

Le phénomène, particulièrement aigu en cette saison des pollens, n’est-il pas avant tout révélateur d’un rapport détraqué à notre environnement ? Certes, il existe une prédisposition génétique aux allergies – si vos deux parents sont touchés, par exemple, vous avez entre 50 % et 80 % de risque d’en développer à votre tour. Mais cette maladie agit aussi comme un miroir de notre mode de vie, urbain, chimique et hygiéniste. Non seulement nous nous exposons à des irritants qui fragilisent nos barrières intérieures – du diesel aux pesticides en passant par la nourriture trop riche et les détergents. Mais, d’autre part, nous sommes connectés à tout sauf aux autres espèces vivantes, alors même qu’elles contribuent à muscler notre système immunitaire. Des perspectives nouvelles de traitement de l’allergie reposent d’ailleurs sur le rééquilibrage du microbiote intestinal, ces colonies bactériennes qui habitent et protègent notre organisme.

Dans ce numéro du 1 hebdo, nous vous invitons à découvrir les différentes facettes du phénomène allergique. En médecine, il mobilise un (trop petit) bataillon de professionnels face à une armée toujours plus fournie de patients et de patientes. Côté psychologie, il nous pousse à considérer notre organisme comme un tout, car des tracas « dans la tête » peuvent aggraver des symptômes d’eczéma ou d’urticaire. Sur le plan philosophique, enfin, l’étymologie du mot « allergie » éclaire notre rapport à l’altérité : formé à partir du grec allos (autre) et ergon (réaction), il désigne fondamentalement une « réaction à l’autre ». Avec ce paradoxe stimulant : l’allergie naît d’une rencontre avec un « autre » perçu comme menaçant. Mais c’est en s’habituant à cet autre – via la désensibilisation – ou en prenant soin d’autres « autres », comme les « bonnes bactéries » de nos entrailles, que nous pourrons mieux vivre avec les allergies. 

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