Programmes scolaires...
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La culture, au singulier, c’est déjà compliqué. Alors que faire du pluriel ? Parce qu’il ne fait aucun doute que c’est au pluriel que s’ouvre le débat de la culture et des cultures dans le système scolaire français. Choc ou rencontre ? Gavage ou innutrition ?
Premier indice typographique : au singulier, et seulement au singulier, on se demande s’il faut ou non mettre une majuscule.
À l’heure des réformes et de ce que l’institution appelle depuis quelques années déjà le « socle commun », il s’agit bien de transmettre une Culture majuscule, fondatrice, française ou, plus largement, européenne. Dans le mot « socle », l’espoir d’une base stable pour ériger ensuite de grandes choses. Qu’on ne dise pas que les programmes ne sont pas ambitieux. Ils le sont. Ce sont les moyens qui nous sont donnés pour les mettre en œuvre qui ne suivent pas.
À quoi correspondrait la culture dans la langue de l’Éducation nationale ? Depuis quelques années, le mot qui trône au-dessus de tous est « compétences ». Qu’on ne se méprenne pas : les bulletins officiels précisent qu’il ne faut pas opposer compétences et connaissances. Le tout est intimement lié. Le livret de compétence de l’élève, qui l’accompagne durant toute sa scolarité, évalue ses « savoirs », « savoir-faire » et « savoir-être ».
En lettres, dans la nouvelle mouture en vigueur dès la rentrée prochaine, ce que nous appelions « programme » (les indications concernant le siècle et les genres abordés à chaque niveau) est désormais intitulé « Culture littéraire et artistique ».
Le mot devient omniprésent. Les établissements de Seine-Saint-Denis peuvent profiter du dispositif CAC, comprenez « Culture et art au collège ». Depuis 2012, tous les élèves de troisième passent pour le brevet une épreuve orale « HIDA », « Histoire des arts ». Bref, on ne déroulera pas à l’infini les acronymes de l’Éducation nationale : le tapis rouge et le César reviennent à la culture.
Mais quoi ? me direz-vous. Ce n’est pas nouveau ! Non, en effet, la culture ce n’est pas nouveau. Ce qui est symptomatique, c’est ce besoin de plus en plus présent qu’a l’institution de l’appeler de tous ses vœux, de l’invoquer comme un remède suite au diagnostic d’un état d’urgence de carence culturelle généralisée.
« Sur mes cahiers d’écolier, sur mon pupitre… », j’écris ton nom, Culture. Elle rime bien, il est vrai, avec Liberté. C’est ça qu’il faudrait, au fond, réussir à leur faire comprendre, à nos petits.
Mon premier réflexe en effet fut d’associer les notions de culture et d’intégration. Alors que j’échangeais avec un collègue, il m’a objecté à juste titre que c’était très réducteur : on peut être cultivé et pas intégré, et vice versa.
Très réducteur, et très éloigné de ma pratique effective de l’enseignement. Je ne fais pas étudier Chrétien de Troyes, Rimbaud ou Gary pour que la nation française s’ébahisse du fait qu’un Albertivillarien dont le grand-père serait Tunisien soit capable de citer le père Hugo dans le texte. L’utilité incontestée de l’école ne doit pas pour autant éclipser l’importance de l’enthousiasme et le plaisir du partage. Nous créons la « valise culturelle » des élèves et je voudrais que le voyage soit joli. Un voyage dans le temps. C’est ce à quoi nous invitent les nouveaux programmes : aborder des thèmes au fil des siècles, réfléchir à leur évolution. Ce travail-là semble plus que jamais nécessaire.
En effet, la culture n’est pas qu’un entassement anarchique de connaissances, et c’est là que notre enseignement pêche. Nos élèves savent plein de choses, mais de manière cloisonnée. Difficile pour eux de faire des liens notionnels ou temporels (et l’ancienne frise chronologique retrouvera bientôt, je l’espère, ses lettres de noblesse). Que les nouveaux textes proposent à cet égard des pistes de réflexion enthousiasmantes, c’est certain. Reste qu’on ne peut se féliciter de la mise en place si chaotique d’une réforme qui, dans ces conditions, risque – une nouvelle fois – de ne pas tenir ses promesses.
Transmettre une culture c’est construire des repères, c’est baliser le chemin. On en revient alors aux cultures diverses et plurielles. Construire la culture ne consiste pas à faire table rase du reste, au risque de n’être que déboussolé. Notre culture commune, socle stable d’une société bien réelle, contemporaine, n’est pas une culture à digérer mais bien une culture à inventer. Nous disions il y a un instant que la culture, ce n’est pas nouveau : c’est vrai, mais on ajoutera que la culture, c’est toujours neuf.
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