L’Histoire est sans doute devenue le poison le plus dangereux pour nos gouvernants. Tous rêvent d’y imprimer leur marque en modifiant son cours. L’événement devient leur obsession et le quotidien leur maîtresse. Ainsi avancent-ils au jour le jour, gestionnaires d’un présent qui les broie, inventeurs de remèdes miracles qui ne résistent pas à l’usure du temps. Pris dans cet engrenage, ils oublient que seule une brique de leur pouvoir peut leur assurer de passer à la postérité : la culture.

Il n’est pas de grand règne qui ne rime avec enchantement artistique. De toute évidence, nos deux derniers présidents ont oublié cet enseignement. S’ils ont beaucoup agi, ils n’ont rien construit. Certes, ils ont fabriqué des lois mais toutes ne sont que des produits périssables. En revanche, aucun musée, aucune trace architecturale de grande ampleur, aucun monument symbolique au bas de leur bilan. Rien qui puisse porter leur nom pour la nuit des temps. Nicolas Sarkozy et François Hollande ont géré la culture sans comprendre qu’elle seule pouvait leur offrir des galons durables d’homme d’État. La nation ne trouve, en effet, son identité et son rayonnement que dans des totems culturels. Il lui faut des bâtisseurs.

Tous leurs prédécesseurs ont pourtant montré le chemin. De Gaulle ayant épuisé la veine héroïque en relevant par deux fois le pays et en fondant la Ve République, ses successeurs ont choisi l’architecture et les musées pour obtenir à coup sûr une place dans l’histoire. Georges Pompidou a planté son Centre national d’art et de culture à Beaubourg, dans le ventre de Paris. Valéry Giscard d’Estaing a fait de la transformation de la gare d’Orsay l’emblème de sa politique artistique, mais il a aussi lancé le projet de l’Institut du monde arabe. François Mitterrand a imprimé sa marque à tout-va dans Paris : pyramide du Louvre, Grande Bibliothèque, Grande Arche, Opéra Bastille ! Jacques Chirac, enfin, n’a pas été en reste avec le musée du Quai Branly et la Philharmonie.

Plus rien, depuis, n’a été inspiré par l’Élysée. Bref, deux quinquennats de misère publique pour tout l’art français. Preuve que la crise politique actuelle est aussi synonyme de panne culturelle. À moins que ce ne soit l’inverse.

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