Pourquoi dit-on d’un Noir qu’il est un « homme de couleur » ? Senghor s’en indignait dans un poème cinglant. À l’homme blanc, il lançait en substance : moi, je suis noir en toutes circonstances, mais, toi, tu deviens rouge au soleil, bleu quand tu as froid, jaune quand tu es malade… 

Bizarrement, on dit « homme de couleur » alors que, pour la plupart des gens, le noir n’en est pas une. C’est d’ailleurs l’un de ses rares points communs avec… le blanc. Pour le reste, tout les oppose dans la culture occidentale, et la balance est loin d’être égale. Le blanc évoque la propreté, la pureté, l’innocence, la virginité. C’est la couleur des anges du paradis, des robes de mariée et des machines à laver. Le noir, lui, est associé au deuil, aux ténèbres, au démon. L’État islamique n’a pas contribué à le servir en l’adoptant pour son drapeau. Cette couleur reste néanmoins un symbole d’autorité et d’élégance : les hommes politiques en font leur costume officiel, même après l’abandon du chapeau haut de forme. 

Les stylistes vous diront cependant que noir et blanc « se marient bien ». Pour des rayures, rien ne vaut l’alliance de ces deux extrêmes, fièrement exhibée par le zèbre. Des photographes et des cinéastes sont attachés au « noir et blanc », qui leur permet de jouer avec les ombres et la lumière, sachant qu’il comporte mille nuances de gris. Née de leur fusion, cette dernière couleur, métissée, tout en subtilité, se distingue radicalement de ses deux géniteurs. C’est l’envers du manichéisme, le contraire du tout ou rien. Dans Les Cerfs-volants (1980), Romain Gary s’exclamait : « Le blanc et le noir, il y en a marre. Le gris, il n’y a que ça d’humain. » 

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