Connaissez-vous Eugène Pottier ? En 1871, après la Commune, ce poète compose les paroles de L’Internationale, chantée pour la première fois en 1888 par la chorale de Lille à la fête syndicale des marchands de journaux. Avec L’Économie politique, il dénonce la cruauté de la doctrine libérale. De quoi faire de François Ruffin un héritier de l’insurgé. 

                                Aux professeurs du Collège de France
 
De tous les droits que l’homme exerce,
Le plus légitime, au total,
C’est la liberté du Commerce,
La liberté du Capital.
La loi ? C’est l’offre et la demande,
Seule morale à professer !
Pourvu qu’on achète et qu’on vende,
Laissez faire, laissez passer !
Et que rien ne vous épouvante,
Y glissa-t-il quelque poison,
Si le marchand double sa vente,
Le succès lui donne raison.
Que ce soit morphine ou moutarde,
Truc chimique à manigancer…
C’est l’acheteur que ça regarde,
Laissez faire, laissez passer !
Les travailleurs ont des colères
Dont un savant n’est pas touché.
Il faut bien couper les salaires
Pour travailler à bon marché.
Par un rabais de deux sous l’heure,
Des millions vont s’encaisser.
Et puis… Croyez-vous qu’on en meure ?
Laissez-faire, laissez passer ! […]
Pour le bien-être des familles
Doublons les heures de travail.
Venez, enfants, femmes et filles,
La fabrique est un grand bercail.
Négligez marmots et ménage,
Ça presse ! et pour vous délasser
Vous aurez des mois de chômage,
Laissez faire, laissez passer !

Eugène Pottier, Poèmes et chansons, Le Temps des cerises, 2016

 

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