Il fait bon être « ganjapreneur » aux États-Unis. Désormais, de plus en plus d’investisseurs ont décidé de parier sur l’incroyable potentiel de la nouvelle économie du cannabis. Et on ne compte plus les anciens de Wall Street qui ont laissé tomber la Bourse pour se lancer dans la ruée vers l’or vert.

Outre-Atlantique, neuf États (Colorado, Washington, Oregon, Alaska, Californie, Nevada, Massachusetts, Vermont, Maine) ainsi que le district de Columbia, siège de la capitale américaine, ont dépénalisé l’usage récréatif de la marijuana. Vingt autres États l’autorisent à des fins thérapeutiques. Résultat : le marché explose. D’après le site de recrutement ZipRecruiter, le nombre d’emplois dans le secteur a augmenté de 445 % durant l’année 2017 ! Cette croissance dépasse celle des technologies (+ 254 %) et des soins de santé (+ 70 %). Environ 200 000 personnes travaillent aujourd’hui dans l’industrie du cannabis aux États-Unis.

Et le futur apparaît encore plus prometteur. Selon une estimation des cabinets spécialisés Arcview et BDS Analytics publiée en janvier, le cannabis légal, tous secteurs d’activité confondus (culture, commercialisation, sous-traitance, recettes indirectes, etc.), devrait générer 40 milliards de dollars d’ici 2021, soit deux fois et demie plus qu’en 2017, et créer plus de 400 000 embauches. Le cannabusiness, on le voit, se porte très bien. Il est également devenu un secteur de pointe. La weedtech suscite un grand engouement auprès des accélérateurs de start-up. On est loin de la petite culture locale faite à la main. Les cultivateurs utilisent désormais le big data, l’internet, des objets ou robots dirigés par une intelligence artificielle pour améliorer leur production. Le cannabis est ainsi contrôlé from seed to sale (« de la graine à la vente ») afin de garantir sa qualité et d’éviter qu’il soit écoulé sur le marché noir.

Et c’est sans compter les produits dérivés et les activités annexes. On trouve ainsi des edibles (produits comestibles) ou des produits de beauté à base de cannabis, des services de livraison à domicile ou des applis pour répertorier tous les points de vente. Dès lors, Microsoft a flairé le bon filon en s’associant avec la start-up Kind Financial, chargée de surveiller la production et la commercialisation de la marijuana pour le compte des États et des municipalités. Car la marijuana rapporte aussi de petites fortunes aux pouvoirs publics : depuis 2014, le Colorado, premier État à avoir légalisé le cannabis, a officiellement récupéré 639 millions de dollars grâce aux taxes pesant sur les « ganjapreneurs ».

Cependant, si la marijuana est devenue mainstream (grand public), elle est toujours considérée comme illégale au niveau fédéral. Le Controlled Substance Act de 1971 l’a classée comme une drogue de « catégorie 1 », au même titre que l’héroïne ou le LSD, soit officiellement plus nocive que des drogues de « catégorie 2 », telles que la cocaïne, les amphétamines ou l’opium. C’est ce qui explique que les grands du secteur pharmaceutique et surtout les banques ont préféré rester prudents jusqu’ici et boudent encore ce marché. Selon le cabinet GreenWave Advisors, seuls 5 % des organismes financiers du pays travaillent avec les entrepreneurs de l’herbe – et ce sont pour l’essentiel des sociétés de capital-risque. Les autres restent dans l’expectative, craignant d’être accusés de blanchiment. Car, actuellement, l’autorité washingtonienne de régulation (la DEA) garde parmi ses prérogatives la possibilité d’intervenir à son gré contre tout producteur de marijuana, même si, de facto, elle ne l’exerce pas.

Mais tout pourrait changer si le Congrès approuvait le States Act, un projet de loi bipartisan, présenté par deux républicains et deux démocrates, qui donnerait aux États fédérés pleine compétence en matière de commercialisation de la marijuana. Le président Trump a fait comprendre début juin qu’il serait favorable à cette mesure qui faciliterait considérablement le cannabusiness. Car il s’agit de ne pas se faire devancer par le Canada. Le voisin du nord a en effet prévu de devenir cet automne le deuxième pays au monde, après l’Uruguay, à légaliser l’usage récréatif de la marijuana, une des promesses de campagne du Premier ministre Justin Trudeau. Pour Wall Street, les enjeux financiers du cannabis pourraient vite devenir très importants. 

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