Ce numéro donne largement la parole à Beate et Serge Klarsfeld. Nous avons demandé à ces militants de la mémoire de raconter leur combat, d’expliquer leur parcours pour comprendre comment cette jeune Allemande de religion protestante et ce jeune Français d’origine juive se sont croisés, unis et finalement décidés à consacrer toute leur vie à obtenir justice pour les crimes commis par l’Allemagne nazie.

Leur récit nous a paru nécessaire pour plusieurs raisons. 

C’est tout d’abord l’occasion de rendre hommage aux victimes de la Shoah, alors que l’on s’apprête à commémorer la libération du camp d’Auschwitz. L’histoire a retenu que le 27 janvier 1945, un jeune déporté italien, du nom de Primo Levi, vit quatre cavaliers soviétiques avancer précautionneusement vers le camp : « Lorsqu’ils arrivèrent près des barbelés, écrit-il, ils s’arrêtèrent pour regarder, en échangeant quelques mots brefs et timides et en jetant des regards lourds d’un étrange embarras sur les cadavres en désordre, les baraquements disloqués et sur nous, les rares survivants. » Ces soldats contemplaient le plus grand cimetière de la guerre, où plus d’un million de Juifs avaient été massacrés. 

Sept décennies ont passé. Que reste-t-il de ce choc, de cette émotion considérable ? Après le temps de la sidération, puis celui du silence, et enfin celui de la pédagogie assumée par l’Éducation nationale et les médias de masse (télévision, cinéma, édition, presse), où en est-on ?

C’est la deuxième raison d’être de ce numéro. Comment assurer la transmission de la mémoire, alors que meurent les derniers rescapés de la déportation ? -L’urgence est d’autant plus forte qu’une étude de l’IFOP, réalisée en décembre 2018 pour la Fondation Jean-Jaurès, nous apprend que 21 % des jeunes de 18 à 24 ans déclarent n’avoir jamais entendu parler du génocide des Juifs. Si l’on prend comme repère les catégories socioprofessionnelles, 18 % des ouvriers ne savent pas ce qu’est la Shoah. Sur l’ensemble des sondés, 10 % la situent durant la Première Guerre mondiale. Cela montre à quel point le travail d’éducation entrepris doit être poursuivi et mieux ciblé. 

La troisième raison est la résurgence de l’antisémitisme. Durant des décennies, la conscience collective de la tragédie vécue par les Juifs a contraint les antisémites à une autocensure bienvenue. Ce n’est plus le cas. Le tabou est brisé. Le Premier ministre a relevé en 2018 que les actes antisémites, sur les neuf premiers mois de l’année, étaient en hausse de 69 %.

Les dernières années ont été marquées par nombre d’agressions physiques et une dizaine d’assassinats. Enfin, la négation de la Shoah surgit régulièrement dans le paysage mental de faibles d’esprit. 

Ces trois raisons, parmi d’autres, nous ont encouragés à vouloir rendre hommage aux Klarsfeld, ce couple unique dont la vie est une leçon. 

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