En écoutant le – nouveau – discours sur l’Europe d’Emmanuel Macron, prononcé le 25 avril dernier dans une Sorbonne encore inoccupée, on ne peut se retenir de songer aux mots jadis assénés par Victor Hugo : « Ce que Paris conseille, l’Europe le médite ; ce que Paris commence, l’Europe le continue. » À ce compte-là, les capitales du continent devraient tantôt mettre sur l’établi quelques-uns des projets avancés par le président français : initiative de défense avec bouclier antimissile européen, financement stratégique pour devenir un leader mondial dans l’informatique ou le spatial, ou encore lutte renforcée contre l’immigration et pour la décarbonation. Autant d’éléments nécessaires, selon l’Élysée, à la constitution d’une « Europe-puissance », seule capable de résister aux chocs mortels de l’avenir. 

Mais l’Europe le veut-elle ? Et, surtout, le peut-elle ? Ces dernières années ont davantage mis en avant la fragilité du continent, des premiers errements de la crise sanitaire aux dissensions sur le soutien à apporter à l’Ukraine. Faible militairement, inaudible diplomatiquement, l’UE reste ce navire fragile, qui semble toujours hésiter à ranger sa voile jaune et bleu quand la tempête approche. Et pourtant, elle avance, à coup d’accélérations inattendues, pressée par les flots ou inspirée par un vieux rêve, formulé au siècle dernier sous un ciel étoilé. Mais jusqu’à quand ?

À un mois d’un scrutin européen qui pourrait voir une poussée des forces nationalistes et des alliances se nouer entre la droite et l’extrême droite au Parlement, le 1 hebdo fait le point sur cet avenir contrarié de notre continent, aujourd’hui à la croisée des chemins. Autour de l’ancien Premier ministre italien Enrico Letta ou du réalisateur allemand Wim Wenders, il s’agit de comprendre ce qui peut encore nous unir dans un monde où tout semble nous fracturer. À cet égard, le sondage exceptionnel commandé par Arte dans les 27 pays de l’UE, dont nous vous présentons les principaux résultats, donne une bonne idée des points de tension comme des facteurs d’union. Il y a un siècle, Paul Valéry se demandait si l’Europe devait être condamnée à n’être qu’un « petit cap du continent asiatique » ou bien à rester « la partie précieuse de l’univers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’un vaste corps ». De ces deux destins, le premier nous guette encore, quand le second ne tient plus que de l’illusion. Dès lors, l’enjeu des prochaines années sera, sans doute, de chercher à s’inventer un autre avenir.