On parlait autrefois de l’ordre et de la paix par la justice, du bonheur commun par la protection des droits individuels. On parle aujourd’hui d’assistance, de protection du travail, de culture, d’enseignement, de développement de la richesse, de protection économique. La formule ancienne, l’ordre et la paix par la justice, était la plus compréhensive et la plus exacte ; la mission obligatoire des gouvernants est toujours essentiellement cela.

La conception de l’ordre et de la paix par la justice varie ; le cadre des obligations des gouvernants s’élargit. Mais une chose reste constante ; un fait reste permanent, incontestable ; c’est l’obligation pour les gouvernants de remplir, au profit des gouvernés, une certaine mission, d’accomplir un certain service, et cela est précisément le substratum irréductible du service public, que dès à présent nous pouvons définir : la mise en œuvre de l’activité que les gouvernants doivent obligatoirement exercer dans l’intérêt des gouvernés. […]

Cette obligation est générale ; elle doit s’accomplir au profit de tous les gouvernés sans distinction. Ce n’est point l’obligation pour les gouvernants d’accomplir une certaine prestation au profit d’un nombre plus ou moins grand d’individus déterminés. C’est l’obligation tout à fait générale de faire régner l’ordre et la paix par la justice dans la collectivité tout entière. Cette obligation est le fruit d’une règle abstraite ; nous voulons dire qu’elle ne naît pas en vue d’une espèce spéciale et déterminée d’avance, mais en vue de la vie sociale dans toutes ses manifestations, en vue du développement progressif et constant de la collectivité.