Cela vient de loin. Je me souviens du général Boulanger. Il était bonapartiste et républicain, royaliste et populiste, immensément populaire. On chantonnait dans les rues : « C’est boulange, boulange, boulange, / C’est Boulanger qu’il nous faut ! » En janvier 1889, il renonça à prendre d’assaut l’Élysée : 50 000 hommes autour de lui le suppliaient de passer à l’action. Je me souviens du méchant Édouard Drumont et de son obsession antisémite – son livre La France juive devint l’un des best-sellers de la IIIe République. Je me souviens de Jules Guérin, un énervé du Grand ­Occident de France, accusé de complot contre la sûreté de l’État, qui ­organisa le premier fort Chabrol dans la rue parisienne du même nom. Je me souviens de Charles ­Maurras, fondateur de ­l’Action française, ­inventeur d’un royalisme de ­l’exclusion. Je me souviens de Georges Valois et du ­Faisceau, premier mouvement fasciste en France, avec défilé des recrues en chemises bleu horizon. Je me souviens de la ­Cagoule et de ses tueurs, les cagoulards. Je me souviens de Marcel Déat et de Jacques Doriot. Je me souviens de Maréchal, nous voilà !… Je me souviens de Pierre Poujade, libraire de Saint-Céré, et de Jean-­Marie Le Pen, le corsaire de Saint-Cloud. Oui, je me souviens de cette haine ­mijotée, toujours frémissante contre la ­République, cette « gueuse » comme ils disaient autrefois. Halte-là !