PRÉVOIR le temps qu’il va faire a été pendant des siècles la grande préoccupation d’une France rurale dont les semailles et les moissons dépendaient étroitement des caprices du ciel. Un certain savoir, né de l’expérience, se transmettait de père en fils et donnait lieu à une multitude de dictons. C’était une météo poétique qui ne dédaignait pas la rime : « Cris de mouette, signe de tempête », « S’il gèle à la Saint-Sulpice, le printemps sera propice »… Des pluies diluviennes ou une sécheresse interminable étaient vues comme une colère de Dieu, que l’on cherchait à apaiser par des prières, en recourant à l’intercession de saints ou de saintes bien placés.

Aujourd’hui, la météorologie scientifique, dotée de satellites, de radars et de supercalculateurs qui interprètent des milliards d’équations et d’algorithmes, ne nous empêche pas d’être pris de court par la force d’un ouragan ou d’une rivière en furie qui balaye tout sur son passage. Ces catastrophes naturelles sont jugées scandaleuses, inadmissibles, incompréhensibles, par une société qui a contracté une infinité d’assurances tous risques, ne se déplace plus sans GPS et ne supporte pas d’être surprise par les aléas de la vie. La moindre activité doit être anticipée, programmée, sécurisée. Il ne faut rien laisser au hasard, et l’intelligence artificielle risque d’accentuer cette manie de l’ultraprévisibilité.

« Tout le bonheur du monde est dans l’inattendu », disait Jean d’Ormesson. C’est même vrai quand survient une catastrophe : dans des communes d’Ardèche ou du Pas-de-Calais, brusquement dévastées par des torrents de boue, on a assisté, de la part d’inconnus, à une solidarité que n’auraient pas imaginée des habitants noyés de chagrin.