Sortir de la caverne
Temps de lecture : 3 minutes
Il faut toujours se méfier de la nostalgie qui renverrait à un âge d’or révolu, et l’état de la presse ne fait pas exception. Il y a plus d’un siècle, Émile Zola observait déjà : « Tous les hommes de cinquante ans regrettent l’ancienne presse, plus lente et plus mesurée », désormais écrasée par « le flot déchaîné de l’information à outrance », des dépêches et des procès-verbaux. « Est-ce le journal qui a éveillé dans le public cette curiosité croissante ? s’interroge alors l’écrivain. Est-ce le public qui exige du journal cette indiscrétion de plus en plus prompte ? Le fait est qu’ils s’enfièvrent l’un l’autre, que la soif de l’un s’exaspère à mesure que l’autre s’efforce, dans son intérêt, de la contenter. »
Cent trente ans plus tard, ces mots résonnent encore, amplifiés par la dictature de l’info en continu et l’écho des réseaux sociaux. Mais l’auteur de Germinal blêmirait sans doute en découvrant ce que l’époque actuelle charrie d’inquiétudes nouvelles. Secoué par une série de chocs sévères depuis le début du siècle – course à la gratuité en ligne, vieillissement du public, désertion progressive des points de vente, hausse des coûts du papier et de l’impression… –, l’univers médiatique français a en effet été marqué ces dernières années par de nombreuses crises internes aux rédactions. L’arrivée de Geoffroy Lejeune à la tête du Journal du dimanche, quelques mois après avoir été débarqué de Valeurs actuelles, porte la marque de Vincent Bolloré, habitué à mettre au pas les médias dans son giron. Mais elle témoigne plus largement de la mainmise d’une poignée de milliardaires sur l’information et de ses effets délétères sur le débat public.
Gouvernance paritaire des médias, droit d’agrément des journalistes face aux actionnaires, développement du financement participatif ou de fonds de dotation… Autant d’outils pour fonder un écosystème plus solide
Une autre presse est-elle encore possible dans ce contexte ? C’est ce que veulent croire le journaliste Jacques Trentesaux, l’économiste Julia Cagé ou l’éditrice Anne-Lorraine Bujon, qui lancent dans ce numéro du 1 quelques pistes pour garantir la pérennité d’une presse indépendante : gouvernance paritaire des médias, droit d’agrément des journalistes face aux actionnaires, développement du financement participatif ou de fonds de dotation… Autant d’outils pour fonder un écosystème plus solide, mais qui ne pourra exister que par l’engagement du public, lecteurs, auditeurs ou spectateurs, prêts à payer pour être informés. Dans un grand poster à conserver et afficher, la journaliste Anne-Sophie Novel et la dessinatrice Natacha Bigan proposent à cet effet une carte « subjective » du paysage médiatique français, qui offre à voir l’incroyable diversité actuelle. Sur le papier ou sur les ondes, en ligne ou en podcast, ce vaste panorama accorde une place privilégiée aux médias alternatifs, volontiers portés sur l’écologie, le social ou la science. Comme une invitation à échapper aux murs de notre caverne, où s’agitent les ombres du cirque quotidien, pour regarder le monde autrement.
« Plus le temps passe, plus le paysage est dévasté »
Julia Cagé
L’économiste Julia Cagé, qui a beaucoup réfléchi à la question du financement des médias, expose ses propositions pour garantir l’indépendance des journalistes, un rouage essentiel de nos démocraties aujourd’hui gravement attaqué.
Merci patron
Robert Solé
Vous me faites doucement rigoler, vous, les journalistes, avec vos velléités d’indépendance économique. Comme si vos publications pouvaient se passer d’un vrai patron ! Croyez-vous vraiment que vos lecteurs financeraient vos salaires et vos coûts d’impression ? Où en seriez-vous si des gens comme…
La carte (très) subjective du paysage médiatique français
Pour aider les lecteurs à comprendre l’écosystème de l’information, la journaliste Anne-Sophie Novel et la dessinatrice Natacha Bigan, autrices chez Actes Sud d’un récent guide intitulé Mieux s’informer, en proposent une cartographie subjective. Un travail qui permet de mieux saisir les …