La fin du service militaire a-t-elle privé les jeunes hommes d’un rite de passage obligé ?

Toute la mythologie du service militaire a continué à fonctionner dans l’imaginaire collectif sur la base d’une institution égalitaire qui participait à l’ordre des âges et des sexes. Un changement s’est opéré dans les années 1970, ce dispositif pour tous ne s’adressait plus qu’aux classes populaires. Avec l’installation de la crise, la conscription ne fonctionnait plus.

L’idée de rite est à reconsidérer dans le cadre de la transition d’une classe d’âge à une autre. Le service militaire jouait un rôle de standardisation des étapes de la vie. Il synchronisait tous les calendriers : affectifs, matrimoniaux et professionnels.

Aujourd’hui, la société n’est plus capable de concevoir des socialisations sur la base d’une temporalité linéaire qui induit des rites de passage entre les différentes générations. La société n’a plus cette capacité d’intégrer socialement des groupes entiers de jeunes.

Le service civique est-il une réponse crédible face à l’absence de service militaire ?

L’idée développée par beaucoup de politiques après les événements de janvier repose sur le mythe d’une institution républicaine par laquelle tout le monde passait. Or il est clair que le service civique ne sera pas une institution obligatoire pour tous. Alors que le service militaire se situe dans un rapport à la nation, à la violence et dans une construction de la masculinité, ce nouveau dispositif pour les jeunes me semble extrêmement intéressant. Le service civique doit s’inscrire dans une logique d’égalité. Je n’arrive pas à concevoir que les jeunes seraient les seuls à être concernés par cette injonction à servir les autres. À titre de comparaison, la façon dont certains politiques conçoivent leur citoyenneté et leur civisme fait froid dans le dos. Les jeunes vont donner un impôt qui ne sera assigné qu’à leur classe d’âge. Cela entretient une conception assez paternaliste de la société. Il serait plus judicieux d’étendre ce dispositif afin que tout le monde puisse être appelé pour donner de son temps à la société. L’organisation des solidarités intergénérationnelles reste encore à inventer.  

Propos recueillis par GABRIEL MABILLE

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