KYOTO. Une journée dans une maternelle japonaise débute souvent en trébuchant sur le pas de la porte. Le seuil est encombré d’une ribambelle de chaussures. La coutume veut que dans l’archipel on se déchausse lorsqu’on entre dans un bâtiment et les écoliers ne font pas exception, enfilant leurs chaussons avant de filer en classe.

Tous portent généralement l’uniforme – une tenue pour l’été et une autre pour l’hiver. Les garçons alternent le pantalon et le short, les filles déclinent la jupe plissée et la robe. Mais qu’il neige ou qu’il vente, celles-ci garderont les jambes nues au-dessus des chaussettes, les collants n’étant pas autorisés.

Pour le reste, l’attirail de l’écolier ne change guère, même si teintes et logos varient d’une école à l’autre. Sur le dos, un cartable choisi par l’établissement. Ballottant sur un côté, une petite pochette en tissu – cousue par la mère ! – où l’on glisse les chaussons. Une gourde en bandoulière. Un chapeau le temps du trajet puis une casquette pour les jeux en plein air – sa couleur permet de savoir immédiatement à quelle classe on appartient.

Sans oublier un dernier petit sac, de forme triangulaire, qui renferme le déjeuner, le fameux bento. Les maternelles japonaises n’ont pas de cantines, les écoliers mangent dans leur classe. Et ce sont les mères qui se lèvent à l’aube pour préparer le repas qu’elles mettent dans de jolies boîtes colorées dont le contenu se doit d’être kawaii, c’est-à-dire « mignon » en japonais : visages dessinés sur le riz, carottes découpées en fleurs, petits pics à l’effigie d’un animal pour attraper les saucisses, etc. Autant l’école rivalise d’uniformité, autant la compétition semble de mise au moment de soulever le couvercle de sa boîte-repas : c’est à celui qui aura le plus joli et le plus original.

La principale spécificité des maternelles japonaises reste toutefois peu visible à l’étranger de passage. Il existe en réalité deux systèmes, les youchien et les hoikuen, selon le statut de la mère. Les hoikuen sont réservés aux mères qui travaillent. Ils accueillent les enfants de 0 à 6 ans, sont ouverts onze heures par jour et dépendent du ministère de la Santé. Les youchien s’adressent aux mères au foyer. Ils acceptent les enfants de 3 à 6 ans, ne fonctionnent que le matin, soit quatre heures par jour, et relèvent du ministère de l’Éducation. Les premiers ont un coût fixe quand les tarifs des seconds dépendent des revenus des parents.

Un regard vers le passé permet de mieux comprendre cette dualité. Le tout premier youchien privé a été fondé en 1875 à Kyoto, afin d’offrir une éducation aux plus jeunes. Les origines de l’hoikuen remonteraient, elles, à une institution charitable créée en 1900 par deux chrétiennes japonaises et surnommée le hinmin youchien, soit le « youchien des pauvres ». L’établissement fonctionnait de longues heures et pendant les vacances, l’attention était accordée tant au développement physique des enfants qu’à leur épanouissement mental et moral.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, quand le système éducatif est repensé sous l’influence de l’occupant américain, youchien et hoikuen sont maintenus. Certaines mères, de nos jours, affirment que les youchien offrent plus d’éducation que les hoikuen, assimilés à de simples garderies. Les différences semblent toutefois s’estomper et les femmes sont de plus en plus nombreuses à demander des places en hoikuen, qui ont de très longues listes d’attente.

La distinction est d’autant plus difficile à faire que le choix des activités est laissé à la discrétion des écoles. « Quand je suis partie vivre en France, j’ai été très surprise de découvrir que les trois années d’école maternelle avaient un programme bien précis ! » souligne Nobuko Hamamoto, mère à Kyoto de deux garçons. Tandis que les petits Français sont assis à leur bureau et réalisent méthodiquement une série d’exercices, leurs camarades japonais privilégient les jeux, les activités plastiques et manuelles – dessin, pâte à modeler, origami, etc. Une grande place est accordée au chant et la maîtresse est tenue de savoir jouer du piano.

L’idée selon laquelle les mères doivent rester à la maison a fortement contribué au maintien des youchien au Japon. Mais avec la chute de la natalité, les écoles tentent d’attirer les enfants et proposent des services de plus en plus similaires, telles des livraisons de bentos pour le repas ou des garderies l’après-midi. De quoi satisfaire aisément des femmes qui expriment de plus en plus le souhait d’être actives. 

 

KYOTO. Une journée dans une maternelle japonaise débute souvent en trébuchant sur le pas de la porte. Le seuil est encombré d’une ribambelle de chaussures. La coutume veut que dans l’archipel on se déchausse lorsqu’on entre dans un bâtiment et les écoliers ne font pas exception, enfilant leurs chaussons avant de filer en classe.

Tous portent généralement l’uniforme – une tenue pour l’été et une autre pour l’hiver. Les garçons alternent le pantalon et le short, les filles déclinent la jupe plissée et la robe. Mais qu’il neige ou qu’il vente, celles-ci garderont les jambes nues au-dessus des chaussettes, les collants n’étant pas autorisés.

Pour le reste, l’attirail de l’écolier ne change guère, même si teintes et logos varient d’une école à l’autre. Sur le dos, un cartable choisi par l’établissement. Ballottant sur un côté, une petite pochette en tissu – cousue par la mère ! – où l’on glisse les chaussons. Une gourde en bandoulière. Un chapeau le temps du trajet puis une casquette pour les jeux en plein air – sa couleur permet de savoir immédiatement à quelle classe on appartient.

Sans oublier un dernier petit sac, de forme triangulaire, qui renferme le déjeuner, le fameux bento. Les maternelles japonaises n’ont pas de cantines, les écoliers mangent dans leur classe. Et ce sont les mères qui se lèvent à l’aube pour préparer le repas qu’elles mettent dans de jolies boîtes colorées dont le contenu se doit d’être kawaii, c’est-à-dire « mignon » en japonais : visages dessinés sur le riz, carottes découpées en fleurs, petits pics à l’effigie d’un animal pour attraper les saucisses, etc. Autant l’école rivalise d’uniformité, autant la compétition semble de mise au moment de soulever le couvercle de sa boîte-repas : c’est à celui qui aura le plus joli et le plus original.

La principale spécificité des maternelles japonaises reste toutefois peu visible à l’étranger de passage. Il existe en réalité deux systèmes, les youchien et les hoikuen, selon le statut de la mère. Les hoikuen sont réservés aux mères qui travaillent. Ils accueillent les enfants de 0 à 6 ans, sont ouverts onze heures par jour et dépendent du ministère de la Santé. Les youchien s’adressent aux mères au foyer. Ils acceptent les enfants de 3 à 6 ans, ne fonctionnent que le matin, soit quatre heures par jour, et relèvent du ministère de l’Éducation. Les premiers ont un coût fixe quand les tarifs des seconds dépendent des revenus des parents.

Un regard vers le passé permet de mieux comprendre cette dualité. Le tout premier youchien privé a été fondé en 1875 à Kyoto, afin d’offrir une éducation aux plus jeunes. Les origines de l’hoikuen remonteraient, elles, à une institution charitable créée en 1900 par deux chrétiennes japonaises et surnommée le hinmin youchien, soit le « youchien des pauvres ». L’établissement fonctionnait de longues heures et pendant les vacances, l’attention était accordée tant au développement physique des enfants qu’à leur épanouissement mental et moral.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, quand le système éducatif est repensé sous l’influence de l’occupant américain, youchien et hoikuen sont maintenus. Certaines mères, de nos jours, affirment que les youchien offrent plus d’éducation que les hoikuen, assimilés à de simples garderies. Les différences semblent toutefois s’estomper et les femmes sont de plus en plus nombreuses à demander des places en hoikuen, qui ont de très longues listes d’attente.

La distinction est d’autant plus difficile à faire que le choix des activités est laissé à la discrétion des écoles. « Quand je suis partie vivre en France, j’ai été très surprise de découvrir que les trois années d’école maternelle avaient un programme bien précis ! » souligne Nobuko Hamamoto, mère à Kyoto de deux garçons. Tandis que les petits Français sont assis à leur bureau et réalisent méthodiquement une série d’exercices, leurs camarades japonais privilégient les jeux, les activités plastiques et manuelles – dessin, pâte à modeler, origami, etc. Une grande place est accordée au chant et la maîtresse est tenue de savoir jouer du piano.

 

L’idée selon laquelle les mères doivent rester à la maison a fortement contribué au maintien des youchien au Japon. Mais avec la chute de la natalité, les écoles tentent d’attirer les enfants et proposent des services de plus en plus similaires, telles des livraisons de bentos pour le repas ou des garderies l’après-midi. De quoi satisfaire aisément des femmes qui expriment de plus en plus le souhait d’être actives. 

 

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