Au pays des Curie et de Becquerel, les oppositions étaient naguère clairement constituées et largement dissymétriques. D’un côté, un État exhibant sa puissance à travers un parc nucléaire florissant (vingt-deux réacteurs construits entre 1976 et 1986) et consensuel, des gaullistes aux communistes. En face, des opposants, écologistes principalement, arborant leur refus sous la forme d’un autocollant à visage de soleil : « Nucléaire ? Non merci ! » Dans le même temps, en 1972, aux États-Unis, quatre jeunes chercheurs du Massachusets Institute of Technology publiaient, dans un silence assourdissant, le rapport Meadows sur les dangers d’une croissance épuisant les ressources d’« un monde fini ».

Un demi-siècle plus tard, le réel a déplacé les lignes. Les visionnaires du MIT ont fini par être entendus : une course contre la montre est engagée contre le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre. Parallèlement, les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima ont accéléré la défiance à l’égard du nucléaire, particulièrement en Europe occidentale. Néanmoins, certains dirigeants verts allemands, des climatologues aussi incontournables que l’Américain James Hansen, ou, en France, l’ancien conseiller de Nicolas Hulot Jean-Marc Jancovici, estiment qu’il est déraisonnable de penser éliminer l’énergie fossile sans un mix énergétique alliant nucléaire et renouvelables. Une perspective étudiée par le scénario Négatep, que réfutent les concepteurs d’un autre scénario, négaWatt 2017-2015, 100 % renouvelable lui, et qui va de pair avec d’importantes économies d’énergie – hypothèse que vient aussi d’explorer RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité.

Le 1 a voulu éclairer cette question cruciale en organisant un débat entre le physicien et climatologue François-Marie Bréon et l’un des porte-parole du scénario négaWatt, Yves Marignac. Les journalistes Hélène Seingier et Tatiana Serova explorent les atouts comparatifs et les faiblesses intrinsèques de chacune des énergies. La controverse autour du nucléaire pourrait paraître lointaine, elle est en réalité urgente. À l’échelle de la mutation à engager, 2050, c’est demain, qu’il s’agisse d’investir dans la filière des EPR pour remplacer les anciens réacteurs nucléaires et/ou de transformer le réseau électrique tout en portant à maturité le stockage de l’énergie. Ce débat technique est en fait politique, il doit être mené au grand jour en espérant que l’échange des arguments permette d’accroître l’acceptabilité des solutions. Depuis que l’annonce d’une hausse de la taxe carbone a attisé une colère sociale plus ancienne et fait naître les Gilets jaunes, nous savons que la transition énergétique est une matière hautement inflammable. 

Vous avez aimé ? Partagez-le !