Selon une estimation des Nations unies, le Maroc serait le premier producteur et exportateur de cannabis vers l’Europe, voire dans le monde. Plusieurs milliers d’hectares sont cultivés dans la région du Rif, au nord-est du pays. Cela concerne des dizaines de milliers de familles qui vivraient des revenus de cette culture. 

Le kif avec lequel on fabrique le haschich, c’est-à-dire la résine de cannabis, se vendait librement jusqu’en 1956, année de l’indépendance du Maroc. La régie du tabac incluait en toute légalité le kif dans sa production. L’enseigne signalant la vente des cigarettes était ainsi rédigée : « Régie marocaine du tabac et du kif. » Il faut dire qu’à l’époque le kif était la cigarette du pauvre. Fumé principalement par des artisans et des ouvriers, on le déconseillait sans l’interdire.

Le Rif a de tout temps été un territoire de dissidence et a constitué pour le pouvoir central un nœud de problèmes : révolte des années vingt et proclamation de la République du Rif en 1921, une république qui durera jusqu’en 1927 ; soulèvement de la population rifaine en 1958 ; mouvement de protestation sociale en 2017, appelé « Hirak ». À chaque fois le pouvoir a réprimé durement ces manifestations. Mais derrière la situation dramatique que vit la population rifaine, il y a le kif. Et le kif, c’est beaucoup d’argent. 

Le trafic ne profite pas à tout le monde. Des barons de la drogue sont installés en Belgique, en Hollande ou en Espagne. Ils tirent les ficelles de loin et échappent souvent à la vigilance policière. 

Le pouvoir a souvent fermé les yeux sur ce qui se passe dans cette région du pays. Plusieurs fois, il a été question de remplacer la culture du kif par celle du blé. Mais le rendement est dix fois moins important. Pourtant c’est un parti proche du palais, le PAM (Parti de l’authenticité et de la modernité), qui en 2015 déposa au parlement une proposition de loi pour légaliser la production du kif à usage médical et industriel. La légalisation d’une telle économie répondrait à une demande de l’Europe et, en même temps, garantirait aux familles de ce territoire de vivre décemment de cette culture tout en mettant hors du circuit les grands trafiquants. Cependant, un tel bouleversement comporte des risques sérieux de révolte dans ce territoire propice à la rébellion. 

Toute tentative de légalisation de cette drogue, dite légère alors que sa consommation quotidienne altère les capacités cognitives et fait perdre la lucidité, est violemment combattue par les lobbies des barons qui réalisent des profits considérables. 

Le Maroc a fait son calcul : il pourrait entamer une légalisation tout en proposant de nouvelles cultures. Ce serait une réponse morale à une situation complexe et difficile. 

Les dernières protestations du Hirak auraient été encouragées et financées par Saïd Chaou, un Maroco-Hollandais, important trafiquant de drogue originaire d’Al Hoceïma et qui s’est exilé en Hollande. Condamné en 2015 par la justice marocaine pour « association de malfaiteurs » et « trafic de stupéfiants », cet opposant a même demandé à l’ONU de proclamer le Rif « territoire libéré » ! Il a créé le « Mouvement du 18 septembre pour l’indépendance du Rif ». Malgré la colère de Rabat, le gouvernement hollandais refuse toujours de l’extrader.

Le fait que la Hollande a permis la culture du cannabis à titre individuel a poussé le Maroc à geler les programmes agricoles alternatifs. L’attitude des Pays-Bas en dit long sur la politique que ce pays européen adopte à l’égard du trafic, en refusant de collaborer à la lutte contre ceux qui empoissonnent la jeunesse européenne. 

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