Même ceux qui ne l’ont pas lu peuvent citer L’Insoutenable Légèreté de l’être, un titre de roman magique, au même titre si l’on peut dire qu’À la recherche du temps perdu, Voyage au bout de la nuit, J’irai cracher sur vos tombes ou Cent ans de solitude. Mais c’est une autre œuvre de Milan Kundera, bien moins connue, qui est jouée en 1992 sur les planches du lycée jésuite La Providence, à Amiens : Jacques et son maître, pièce en trois actes, inspirée de Jacques le Fataliste de Diderot. Dans le rôle principal, un certain Emmanuel Macron éblouit une enseignante de 39 ans, Brigitte Trogneux, qui l’intégrera l’année suivante dans sa troupe de théâtre où il interprétera le rôle d’un… épouvantail. Ils ne vont pas tarder à monter des pièces ensemble, en attendant d’écrire une page de l’histoire de France…

Qui, au sein d’une école catholique, a eu l’idée étrange de confier à de jeunes adolescents cet hommage de Kundera au libertinage, où l’absurde le dispute à la mélancolie ? Sans doute un enseignant qui partageait son admiration pour Jacques le Fataliste. « Un des romans que j’aime le plus, affirmait l’auteur de L’Insoutenable Légèreté de l’être : tout y est humour, tout y est jeu, tout y est liberté et plaisir de la forme. » Un roman, selon lui, « scandaleusement sous-estimé : il concentre tout ce que la France a perdu et refuse de retrouver ».

En souvenir de leur première rencontre, Emmanuel et Brigitte Macron ont sûrement lu Jacques le Fataliste. Les premières lignes semblent avoir été écrites spécialement à l’intention de ce couple improbable : « Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? » Libre à chacun d’y voir une illustration de l’insoutenable légèreté de l’être ou de l’impitoyable pesanteur du hasard. 

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