Les chiffres relayés par les médias parlent de 500 000 entrées irrégulières dans -l’espace Schengen depuis le -1er -janvier, soit une augmentation de 180 % par rapport à la même période l’année dernière. Alimentant le constat d’une véritable « crise migratoire européenne », ces analyses proviennent de l’agence européenne Frontex (contraction de « frontières extérieures »), dont le siège est à Varsovie. Créée par un règlement de l’Union européenne en octobre 2004, cette agence est « -responsable de la coordination des activités des gardes--frontières dans le maintien de la sécurité des frontières de l’Union avec les États non-membres ». Le périmètre de son action s’est progressivement élargi, accompagnant une croissance rapide de ses moyens : son budget est passé de 19 millions d’euros en 2006 à 143 millions en 2015. 

L’organisation ne fait pourtant pas l’objet d’un consensus sans faille. En 2013, 21 organisations européennes et africaines d’aide aux étrangers et aux immigrés ont organisé une campagne internationale nommée « Frontexit », destinée à dénoncer ses pratiques jugées contraires aux droits fondamentaux et demandant l’annulation du règlement lui ayant donné naissance. Infructueuse, cette campagne n’a pas même ralenti le rapide développement de cette institution. Son succès tient très certainement à la bataille qu’elle a menée dès ses débuts sur le front de l’information. Au-delà de ses missions de terrain, Frontex a développé une activité de chiffrage du phénomène migratoire et diffuse largement les résultats de ses études. Dans le silence laissé par les instances européennes, ces analyses se sont imposées pour décrire le phénomène. 

Frontex se retrouve ainsi dans la situation, éminemment périlleuse, de juge et partie : l’agence contribue à la mise en forme politico-médiatique de la problématique migratoire, tout en proposant ses services pour intervenir (et elle négocie ses budgets en fonction des besoins supposés). Il serait urgent qu’Eurostat, l’institut européen de statistiques, s’empare du sujet et joue son rôle de garant de la qualité statistique des données qui alimentent le débat social.

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